
Programme
« Le vrai révolutionnaire est guidé par un grand sentiment d’amour. Il est impossible d’imaginer un authentique révolutionnaire sans cette qualité. »
– Ernesto « Che » Guevara
Aimez-vous la vie ? Aimez-vous ce monde, ses forêts et ses océans, ses lacs et ses rivières, ses prairies et ses montagnes ? Aimez-vous les créatures qui peuplent ce monde ? Aimez-vous votre famille, vos proches, vos amis ? Si vous répondez par la positive, alors vous devriez être inquiet, car le système technologique détruira tout. Chez ATR, nous nous battons comme des diables parce que nous éprouvons un amour profond et sincère pour la vie sous toutes ses formes. Pour mener à bien ce combat, nous devons nous rassembler autour d’un programme commun.
Le programme proposé par ATR
Grâce au démantèlement complet du système technologique, nous voulons :
1. Stopper les émissions industrielles de gaz à effet de serre
En 2021, les énergies fossiles représentaient encore plus de 82 % de la consommation d’énergie primaire dans le monde. D’innombrables processus industriels (fabrication d’acier, de ciment, etc.) dépendent de carburants fossiles. La transition énergétique/carbone/écologique est un leurre, le système technologique ne peut pas être « décarboné ». La seule solution réaliste pour réduire drastiquement et rapidement les émissions de gaz à effet de serre, c’est de faire chuter la production énergétique. Pour y arriver, il nous faut envisager le démantèlement progressif des infrastructures – réseau Internet, réseau autoroutier, réseau ferroviaire, réseau électrique, réseau télécom, etc. – et la mise à l’arrêt des machines.
2. Régénérer la nature
Principale cause de l’extermination de masse du vivant, l’artificialisation des terres progresse à un rythme effréné partout dans le monde. En France, plus de 65 000 hectares sont artificialisés chaque année, soit l’équivalent d’un département tous les huit ans. Cette dynamique absurde ne changera pas tant que des entreprises privées et publiques recouvriront impunément la terre nourricière de béton et d’asphalte. Les gigantesques infrastructures au fondement de la société moderne nécessitent un extractivisme acharné dans les pays du Sud et une artificialisation extrême de nos milieux de vie. Pour qu’une coexistence redevienne possible avec d’autres espèces, il faut démanteler le système techno-industriel et restaurer d’autres manières d’habiter la terre. Nous pourrons ainsi laisser – et aider à – se régénérer les populations d’espèces sauvages, les prairies, forêts anciennes, zones humides, torrents, rivières, fleuves, tourbières, mangroves, etc.
3. Développer l’autonomie énergétique
Les développements technologiques en cours (5G, industrie numérique, biotechnologies, intelligence artificielle ou encore géo-ingénierie) provoquent une hausse constante de la consommation de matières et d’énergie du système technologique. D’après le Monde Diplomatique, le numérique « carbure » au charbon ! Pour ne rien arranger, le système technologique nous dépossède de la maîtrise de nos conditions matérielles d’existence. Pour se libérer de cette dépendance suicidaire aux énergies industrielles (nucléaire, fossiles et renouvelables), il nous faut adopter des technologies « douces », « démocratiques » ou « low-tech » (solaire et/ou éolien artisanal à petite échelle, moulin à eau, four solaire, chauffer les corps plutôt que les espaces, et ainsi de suite). Ce processus de réappropriation permettra à terme aux communautés locales de vivre dignement à partir des ressources présentes localement, dans un périmètre géographique limité.
4. Abolir l’aristocratie technocratique
Au travers de sa boulimie régulationniste et de son racket systématique, l’État asphyxie le peuple et le plonge dans une dépendance avilissante. Une réglementation plus contraignante accompagnée de nouvelles taxes n’infléchira pas le désastre en cours, bien au contraire. Cette idée provient d’une mauvaise compréhension de la relation symbiotique entre l’État et la sphère marchande, caractéristique essentielle du capitalisme industriel. L’étude des sociétés démocratiques écologiquement soutenables montre que la plupart d’entre elles sont des sociétés sans État. En fixant pour tous la propriété privée et la marchandisation des terres, en instaurant toutes sortes de règles uniformes peu importe la spécificité des populations et des territoires, l’État a favorisé le développement du système industriel. Idéalement, il faut programmer la destitution de l’appareil d’État pour en finir avec l’industrie. Reconstruire des systèmes d’entraide permettra de gagner en autonomie politique et matérielle, de retrouver du sens, et par là même de construire des solutions écologiquement soutenables adaptées aux besoins de chaque communauté locale.
5. Instaurer la démocratie directe
Face à l’actuel système politique dit « représentatif », qui entretient une aristocratie technocratique monopolisant le pouvoir, des parasites achetant leur légitimé par une mascarade électorale aux frais du contribuable, nous voulons plutôt réunir les conditions nécessaires à l’avènement d’une véritable démocratie. Cela nécessitera l’organisation d’assemblées ouvertes décisionnaires au niveau local, afin que chacun puisse participer aux décisions politiques de son territoire (agriculture, construction, vie collective… et même autodéfense !). Ainsi, nous souhaitons rendre son autonomie politique au seul échelon capable de faire exister concrètement la démocratie directe : la commune.
6. Redistribuer les terres
Aujourd’hui, l’immense majorité des terres sont possédées par un nombre très restreint de personnes (mégafermes technologiques, propriétés industrielles, domaines privés des milliardaires, etc.). Dans le monde, 1 % des exploitations agricoles concentrent 70 % de l’ensemble des terres cultivables, ce qui révèle une accélération sans précédent des inégalités foncières. En Europe, moins de 3 % des fermes possèdent plus de la moitié des terres agricoles du continent.
Pour la France, l’association Terre de liens donne des chiffres édifiants sur la situation catastrophique du monde agricole :
· Chaque année, une surface équivalente à la capacité de nourrir une ville comme le Havre disparaît sous le béton ;
· De nos jours, les deux tiers des terres libérées par les agriculteurs qui partent en retraite vont à l’agrandissement de fermes voisines, une dynamique inquiétante qui va s’accélérer avec le départ en retraite d’un nombre important d’agriculteurs et d’agricultrices dans la prochaine décennie ;
· Une surface de la taille d’un terrain de foot est artificialisée en France toutes les sept minutes ;
· Dès les années 1960, les politiques de l’Union européenne et de l’État français ont organisé une concentration des terres permettant à l’agriculture industrielle et à une production de masse de se développer ;
· En 20 ans, 320 000 emplois agricoles ont été détruits ;
· Aujourd’hui, la moitié des fruits et légumes consommés en France est importée alors que nous disposons de la surface suffisante pour nourrir l’ensemble de la population ;
· Entre 2010 et 2020, la France a perdu plus de 100 000 fermes.
Ce modèle agro-industriel mortifère et ce partage terriblement injuste de la terre ne nous conviennent pas. La terre est un bien commun, et en tant que telle, elle doit rester libre d’accès à ceux qui veulent en faire un usage bénéfique à la société. C’est pourquoi il nous faut mieux répartir l’accès au foncier afin de pouvoir développer l’agriculture paysanne, le pastoralisme, la permaculture, les forêts-jardins, et dans les zones adéquates, simplement laisser se régénérer les forêts naturelles. En diversifiant l’usage des terres et les modes de subsistance qui en découlent, les populations seront à même d’assurer leur sécurité alimentaire en toute autonomie. C’est aussi l’occasion d’encourager pour tous une reconnexion à la nature, notamment à travers l’apprentissage des plantes sauvages comestibles, ou encore la redécouverte des techniques de chasse et de pêche traditionnelles low-tech (piégeage, chasse à l’arc, pêche à la ligne, etc.).
7. Développer l’artisanat et la paysannerie
Pour remédier aux bullshits jobs inutiles et vides de sens enfermant nombre de nos contemporains dans une routine abrutissante, pour mettre fin à l’extractivisme insensé et à l’esclavage industriel dans les pays du Sud (pratiques à la base du mode de vie moderne), nous défendons la réappropriation de nos conditions matérielles d’existence : se nourrir, se loger, se vêtir, se chauffer, se déplacer, avoir des outils pour travailler, etc. Tout ce qui peut être fait sans l’industrie, ce qui correspond à des besoins humains et sociétaux réels (la subsistance), devra être développé et réorganisé au niveau local. Régénérer l’artisanat et la paysannerie au sein des communes devrait ainsi permettre de relocaliser et démocratiser la production, l’autonomie et l’entraide de remplacer l’actuelle dépendance au système technologique. La réappropriation par les populations du Nord de leurs conditions de vie devrait faciliter la libération des populations du Sud de l’impérialisme technologique.
8. Repeupler les campagnes
Plusieurs millions d’habitants concentrés dans des geôles urbaines épuiseront rapidement les ressources locales et ne pourront jamais atteindre l’autonomie alimentaire. La métropole doit tout importer, provoquant l’épuisement rapide de sa périphérie. L’habitat urbain est donc écocidaire par essence. De plus, la démocratie directe n’est viable qu’à une échelle réduite nécessaire aux membres de la communauté pour échanger et délibérer en face à face. Nous refusons de cautionner cette façon d’habiter la terre et de laisser entendre, comme nombre d’utopistes, qu’on pourrait réformer la ville et la transformer. Il n’y a rien d’enviable à vivre entassés dans un univers artificialisé à l’extrême, pensé et construit pour une seule espèce – Homo industrialis. Nous invitons par conséquent nos semblables à déserter dès maintenant les « métropoles barbares » (Guillaume Faburel). Nous avons pour ambition de devenir les catalyseurs de ce processus. La place ne manque pas hors du béton urbain : occuper collectivement les logements vacants, restaurer les fermes à l’abandon, redévelopper l’habitat rural traditionnel, les solutions de relogement sont nombreuses. Ajoutons à cela un chiffre : d’après l’INSEE, la superficie agricole utilisée – principalement par de gros exploitants pratiquant une agriculture industrielle et commerciale – représente 45 % de la superficie de la France. Ce n’est pas l’espace qui manque. Il suffit que chacun s’installe dans un habitat écologique sur un lopin de terre à régénérer pour que l’impact positif des humains sur le vivant devienne vite réalité : de la monoculture désertique au luxuriant jardin permacole, il n’y a qu’un paysan.
9. Repenser nos modes de vie
Burn-out, dépression, obésité, diabètes, cancers, myopie, asthme, allergies, démence, maladies cardiovasculaires ainsi que d’autres maladies de civilisation sont en hausse constante. Homo industrialis est malade. Malade de sa séparation de la nature, malade de la malbouffe industrielle, malade de l’impact des écrans, des ondes, des pesticides, malade enfin de l’atomisation sociale et de l’exploitation salariée au sein d’emplois dépourvus de sens. Démanteler le système technologique, c’est entamer une transformation radicale qui ne peut alors qu’être bénéfique à l’espèce dans son ensemble. C’est stimuler l’adoption de modes de vie favorisant une bonne santé physique (marche, effort physique quotidien, travail en extérieur) et mentale (fin de la publicité, du parasitage technologique des relations humaines et de l’abrutissement numérique). Plus encore, c’est abolir les monopoles industriels sur l’alimentation et la santé. À la place, nous pourrions développer de nouvelles formes de médecines autonomes, renouer avec les savoirs ancestraux et les traditions de soins écologiquement et socialement pertinentes, et surtout nous assurer de l’accessibilité d’une alimentation saine, biologique et nutritive pour tous.
10. Apprendre de la diversité humaine
Contrairement au discours de la religion du Progrès, le développement du système technologique a depuis le départ fait face à d’importantes résistances populaires. En Europe, la mécanisation a souvent été accueillie avec méfiance par les ouvriers, les artisans, et même les petits capitalistes (voir François Jarrige). Historiquement, l’idéal d’un mode de vie centré sur le confort, c’est-à-dire débarrassé de toute forme de contrainte, de fatigue ou d’effort, est un idéal aristocratique/bourgeois – donc un idéal de parasite – qui n’a rien à voir avec les aspirations du monde ouvrier et paysan. Comme le pouvoir impose toujours un récit servant ses propres intérêts, cette histoire populaire a été effacée du discours dominant. Ailleurs dans le monde, de nombreuses sociétés traditionnelles refusent la technologie et le confort modernes pour des raisons morales, ou tout simplement parce que leur culture suffit à les combler.
La réappropriation et l’enseignement de cette histoire populaire et paysanne méconnue, ainsi que la mise en avant de sociétés faiblement technologiques bien plus égalitaires et démocratiques, constituent les piliers d’une culture de résistance digne de ce nom. D’innombrables activités peuvent contribuer à l’alimenter : apprendre la vie en pleine nature pour faire émerger de nouvelles cultures humaines libérées de la dépendance au système technologique ; enseigner aux enfants des choses concrètes, stimulantes pour les sens et utiles pour leur avenir (entretenir un potager, préparer la nourriture, reconnaître des plantes, construire une cabane, fabriquer des objets, etc.) dans des milieux épanouissants (plein air, forêt, jardin permacole, etc.).