Xénobot, première machine biosynthétique
« Aimeriez-vous que les hommes, les animaux et les plantes deviennent des produits de la technologie ? Si cette idée ne vous plaît pas, les sciences informatiques et biologiques sont manifestement dangereuses pour vous. Voilà qui est très simple, et n’a rien à voir avec la morale, le théorème d’incomplétude de Gödel ou d’autres questions philosophiques abstraites[1]. »
– Theodore Kaczynski
La rubrique « technosaloperie » présentera régulièrement une nouvelle technologie développée par des savants fous qui dédient leur pathétique existence à ruiner la vie sur Terre. Autant vous le dire tout de suite, cette série d’articles promet d’être longue en raison de l’irresponsabilité assumée de nos amis scientifiques. Nous inaugurons aujourd’hui cette série avec le xénobot, la première machine fabriquée avec des cellules vivantes. Ce projet prométhéen relève du domaine de la biologie de synthèse (ou biologie synthétique), un secteur émergeant des biotechnologies mêlant biologie et techniques d’ingénierie.
En 2020, les médias technologistes se sont félicités d’une avancée majeure dans le secteur de la biologie de synthèse : des scientifiques américains aidés d’un superordinateur ont conçu un premier « xénobot » (ou « xénorobot ») en utilisant des cellules souches d’une espèce de grenouille africaine (Xenopus laevis). D’abord l’intelligence artificielle génère des milliers de combinaisons possibles de cellules « passives » (cellules de peau) et de cellules « actives » (cellules cardiaques), ces dernières servant au déplacement des robots par la contraction de leurs fibres musculaires. On procède, suite à une période d’incubation, à l’assemblage des cellules selon les modèles proposés par l’ordinateur. Construire des robots de cette manière permet de faire évoluer leurs caractéristiques au gré des besoins (déplacement rapide, collecte et transport de charge, etc.). Ce robot biosynthétique de la taille d’une tête d’épingle était déjà capable en 2020 de survivre de façon autonome durant 10 jours (plusieurs semaines dans un milieu riche en nutriments), de se régénérer après des blessures et de se déplacer en transportant une charge utile[2]. Fin 2021, le journal britannique The Guardian annonçait que les xénobots avaient acquis la capacité de s’autorépliquer[3].
Les scientifiques réduisent donc la vie à un ensemble de briques, une sorte de Lego qu’on pourrait désassembler et réassembler selon les besoins du système technologique. L’ingénieur en robotique Joshua Bongard se félicite de son travail :
« Ce n'est pas un robot traditionnel ni une nouvelle espèce animale, mais une toute nouvelle forme de vie entièrement programmable[4]. »
Super. Imaginez des humains entièrement programmables, le rêve de tous les régimes totalitaires ! Toujours en pointe sur le techno-totalitarisme, la Chine travaille déjà sur des utérus artificiels[5].
Une propagande qui rassure
Pour annoncer en grande pompe cette innovation biotechnologique, la propagande du système met toujours en avant des perspectives rassurantes : réparation de circuits électriques, possibilité de décontaminer des zones polluées (radioactivités ou autre), « perspectives vertigineuses en termes de médecine[6] », etc.
Voici ce que cela donne chez Futura Sciences :
« Le potentiel de ces xénorobots a de quoi faire rêver : ils pourraient par exemple transporter des médicaments dans le corps humain ou nettoyer les plaques d'athérome dans les artères avant de se dégrader naturellement. Ils pourraient également collecter le plastique dans l'océan, digérer des substances toxiques ou radioactives ou encore identifier des molécules dans des environnements inaccessibles aux humains[7]. »
On peut répondre trois choses pour démolir cet argumentaire fallacieux.
Il faut se moquer du monde pour oser prétendre que les xénobots sont développés dans le but d’améliorer la condition humaine et environnementale. Ce sont des promesses en l’air sur d’hypothétiques applications d’une technologie émergente dans un futur tout aussi hypothétique ; autrement dit, ça ne vaut rien. L’objectif est d’obtenir le consentement en présentant la chose comme un exploit technique, une célébration de l’intelligence humaine, une avancée merveilleuse de la Sainte Science. Il est impératif pour le système de neutraliser toute réflexion critique qui mettrait en lumière le danger que représente la recherche biotechnologique pour l’avenir de l’espèce humaine. Un questionnement qui pourrait déboucher sur un mouvement de résistance populaire au progrès des technosciences. À chaque innovation de rupture, les hautes sphères du pouvoir – scientifiques, technocrates, politiciens, influenceurs, médias – administrent aux masses une dose de tranquillisants pour obtenir leur consentement. C’était le cas avec l’arrivée des premières machines, de l’électrification, du nucléaire, des OGM comme avec le décodage du génome humain qui devait permettre de guérir toutes les maladies.
L’idée que la Science aurait réponse à tout est le message implicite. Les scientifiques trouveront des palliatifs à toutes les nuisances du système technologique, aux maladies cardiovasculaires provoquées par la nourriture industrielle comme aux pollutions multiples déversées par les firmes industrielles. Soyez rassurés, installez-vous confortablement dans votre canapé, reprenez votre série Netflix et profitez du spectacle. Pourquoi se battre et résister ? Les scientifiques s’occupent de tout !
Dernier point. Sur le plan strictement technique ou physique, on peut sérieusement douter de la faisabilité d’un « grand nettoyage » de la biosphère à l’aide de gentils xénorobots dévoués, bien dressés et tenus en laisse par des algorithmes. Qui peut croire à de telles imbécilités ? Des microplastiques sont retrouvés dans les excréments[8] et dans les poumons humains[9] ; le plastique tue et contamine d’innombrables créatures vivantes marines et terrestres[10] ; on en retrouve au pôle Nord, au pôle Sud, dans les plus hautes montagnes de l’Himalaya, au sommet des Pyrénées comme dans les Alpes et les parcs naturels[11], dans les fosses océaniques et les rochers du littoral[12]… plus aucun endroit sur Terre n’est épargné. C’est à peu près la même histoire pour un nombre inconnu – et probablement très élevé – de substances chimiques persistantes telles que les composants perfluorés. Près de 98 % des Américains possèdent un très fort taux de PFOA dans le sang, et en France, 100 % des participants à une étude, enfants comme adultes, avaient leur organisme contaminé par du PFOA[13]. Une enquête du journaliste Fabrice Nicolino publiée en 2014 évoquait le chiffre, en augmentation constante et exponentielle, de 70 millions de molécules chimiques libérées « dans l’eau, dans l’air, dans le sol, dans les aliments, et jusque dans le sang des nouveau-nés » par les psychopathes de l’industrie chimique. Un chiffre qui va encore augmenter plus rapidement avec l’essor des nanotechnologies. Et on voudrait nous faire croire que tout ceci est réversible d’un coup de baguette technologique, en envoyant des milliards de xénobots nettoyeurs coloniser tous les milieux et tous les organismes vivants de la planète…
https://youtu.be/aQRBCCjaYGE
Une vidéo de l'université du Vermont sur les xénobots.
Biologie de synthèse, un danger pour la biosphère et l’humanité
« Il n'est pas exagéré de supposer que la morphologie synthétique inclut la possibilité de créer des organismes entièrement nouveaux. On peut dire que les xénobots sont déjà des créatures de ce type, même si ces blobs microscopiques ne sont pas très beaux à voir. Les solutions possibles au calcul d'assemblage des cellules de grenouille – ce que les biologistes mathématiciens appellent des états attracteurs – pourraient-elles inclure des corps de taille macroscopique totalement différents : des poissons, par exemple, ou des vers[14] ? »
– Philip Ball, journaliste scientifique
C’est la DARPA (Defense Advanced Projects Agency), une agence du département de la défense des États-Unis, qui finance en partie la recherche sur les xénobots. Contrairement aux promesses d’amélioration de la condition humaine martelées par la propagande, les premières applications de cette technologie seront, comme souvent, militaires. Ces robots pourraient être programmés pour répandre un virus ou un poison mortel dans un organisme ou pour détruire des cibles. L’initiative Red Team, composée de scientifiques et de militaires dédiés à des travaux de prospective, parle de « guerre écosystémique[15] ».
Autre inquiétude, une possible perte de contrôle des xénobots. Percevant les humains comme une menace, une intelligence artificielle autonome pourrait décider de fabriquer et programmer en masse des nanorobots dans le but de tuer en masse des humains[16].
Même dans le cas hautement improbable où ces technologies seraient développées et diffusées sans répandre le chaos partout sur la planète, la suite logique d’une telle trajectoire technologique, c’est l’éradication de toute forme de vie autonome. Un objectif explicitement mis en avant par Michael Levin, l’un des chercheurs de l’université de Tufts travaillant sur les xénobots :
« Le but est de comprendre le logiciel de la vie. Si vous pensez aux malformations congénitales, au cancer, aux maladies liées à l’âge, toutes ces choses pourraient être résolues si nous savions comment créer des structures biologiques pour avoir le contrôle ultime sur la croissance et la forme[17]. »
L’amélioration des humains, et plus généralement des systèmes vivants, il s’agit là d’un programme transhumaniste, donc eugéniste. L’eugénisme va de pair avec le progrès technologique. L’humain ne peut rivaliser en termes de performance avec la machine devenue le modèle à suivre. L’éradication de l’espèce humaine pour la substituer à une armée de clones optimisés, et l’extermination de toute forme de vie autonome, constituent l’horizon inévitable de ce projet. Mais cette quête d’un « contrôle ultime » sur la nature a peu de chances d’atteindre son but, ce qui la rend d’autant plus délirante. Il est bien plus probable que cette recherche aveugle de puissance finisse par détruire définitivement les conditions qui ont rendu la vie possible sur notre planète, et ce bien plus tôt que nous l’imaginons.
MH
Footnote [1] — Extrait d’une lettre citée dans le documentaire allemand Das Netz (Voyage en cybernétique dans sa version traduite en français)
Footnote [2] — https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1474902/premiere-machine-vivante-robot-xenobo
Footnote [3] — https://www.courrierinternational.com/article/biologie-les-xenobots-premiers-robots-vivants-parviennent-sautoreproduire
Footnote [4] — https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/sciences-ces-xenobots-forme-pac-man-sont-capables-reproduire-corps-79186/
Footnote [6] — https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-methode-scientifique/xenobot-le-robot-cellulaire-5525299
Footnote [7] — Ibid.
Footnote [8] — https://www.sciencesetavenir.fr/sante/des-microplastiques-presents-dans-les-excrements-humains_128853
Footnote [9] — https://reporterre.net/Des-microparticules-de-plastique-trouvees-dans-des-poumons
Footnote [10] — https://www.nationalgeographic.fr/environnement/le-plastique-veritable-menace-pour-la-faune-mondiale
Footnote [12] — https://www.neonmag.fr/6-endroits-improbables-ou-on-retrouve-du-plastique-535601.html
Footnote [13] — https://www.huffingtonpost.fr/life/article/dans-dark-waters-le-pfoa-ce-compose-omnipresent-au-c-ur-d-un-scandale-sanitaire_172345.html
Footnote [14] — https://aeon.co/essays/how-xenobots-reshape-our-understanding-of-genetics
Footnote [15] — https://redteamdefense.org/saison-2/une-guerre-ecosystemique
Footnote [16] — https://www.science.org/content/article/could-science-destroy-world-these-scholars-want-save-us-modern-day-frankenstein
Footnote [17] — https://siecledigital.fr/2020/01/15/xenobots-robots-vivants/
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