En Haute-Provence, l'industrie rase les forêts pour installer des centrales solaires
Sur la montagne de Lure, dans le département des Alpes de Haute-Provence, les industriels du photovoltaïque voudraient nous faire croire que raser la biodiversité pour y planter des panneaux solaires est un geste écologique. Heureusement des citoyens, pas dupes, veillent et tentent par tous les moyens d'arrêter cette folie destructrice.
Que la montagne est belle
C'est un magnifique massif méditerranéen constitué à 70 % de forêt et à 20 % de terres agricoles et de pâturages, qui domine les monts du Vaucluse. La montagne de Lure, qui fait partie des Préalpes du sud de la France, est un formidable réservoir de biodiversité, classé réserve de biosphère par l'Unesco [1] et abritant par exemple quarante espèces animales patrimoniales (c'est-à-dire des espèces protégées, des espèces menacées et des espèces rares), dont vingt-deux espèces déterminantes (jugées importantes pour l'écosystème et particulièrement représentatives) [2].
Ce pays sauvage cher à Jean Giono, à l'écart des grands axes, peu peuplé, aux milieux diversifiés abritant des animaux emblématiques tels que cerfs élaphes, chamois, chevreuils et même loups, est pourtant sous la menace des zélateurs de la religion du Progrès.
Le soleil a rendez-vous avec la thune [3]
L’appétit de la mégamachine industrielle n'étant jamais assouvi, ce paisible coin de Haute-Provence est menacé par différents projets de centrales photovoltaïques. En plus de défigurer les paysages, ces infrastructures industrielles vont mettre en danger la biodiversité et les sols.
En effet, les impacts négatifs de ces installations sur l'environnement sont bien documentés, avec par exemple la réduction de la richesse et de la densité des espèces d'oiseaux, le déclin des pollinisateurs, la perte d'habitats pour la biodiversité, la surmortalité des oiseaux due aux brûlures venant de la lumière solaire concentrée produite par les panneaux photovoltaïque [4]...
Ce tableau bien sombre ne freine pourtant pas l'avidité des sociétés qui font leur beurre sur la soi-disant « transition écologique ». Citons par exemple la société canadienne Boralex qui prétend « protéger les êtres vivants et leurs habitats » [5] et qui pourtant a demandé une dérogation au droit environnemental pour pouvoir détruire des espèces et habitats protégés sur le site de Cruis. En tout, ce sont déjà 12 centrales photovoltaïques qui ont été construites sur les flancs de la montagne de Lure, et 15 autres sont en projet, avec environ 1000 hectares de nature qui seraient impactés. Les images de ces forêts méditerranéennes rasées par les machines pour y planter des panneaux solaires sont désolantes.
En plus des dégâts locaux, les panneaux solaires ont un impact écologique catastrophique tout au long de leur vie. Les matières utilisées pour leur fabrication sont loin d'être vertes. Le silicium par exemple, élément principal des panneaux, nécessite l’exploitation de carrières de silice qui entraîne de graves problèmes de qualité de l'eau et d'érosion des sols. Son traitement industriel implique l'utilisation en abondance de produits toxiques, d'eau et d'énergie : on estime le ratio à 280 kg de produits chimiques par kg de silicium produit [6]. De plus, comme ils sont souvent fabriqués en Chine, ces panneaux voyagent sur des milliers de kilomètres avant d'arriver sur leur lieu d'implantation. Une nouvelle preuve, s'il en fallait, que la transition écologique est une arnaque pour repeindre en vert le système industriel qui consume la vie sur Terre.
Le vent de la résistance se lève
Mais sur la montagne de Lure, des résistants se lèvent pour tenter de contrer l'ogre industriel et sauver leurs forêts. Depuis sa création en 2019, le collectif Elzéard Lure en Résistance [7] (du nom du héros de la nouvelle de Jean Giono, L’homme qui plantait des arbres, 1953) se démène pour faire obstacle aux projets de parcs photovoltaïques en multipliant les actions : projections de films, évènements festifs, manifestations, blocages de chantier, dépôts de plaintes contre les industriels... Comme toujours, les résistants font face à une répression féroce, tant de la part de l'Etat que de milices aux ordres des industriels. Deux militantes sexagénaires ont été poursuivies en justice pour s’être allongées devant des engins de chantier commandés par la multinationale canadienne Boralex, et ont écopé d'amendes et d'une suspension de 3 mois de leurs permis de conduire [8]. Lors d'une action de blocage, des militantes et militants ont subi la violence de vigiles surveillant un chantier, l'un des opposants a même eu une côte cassée à coup de barre de fer [9].
L’association « Les Amis de la Montagne de Lure » (Amilure) [10], créée en 2017, se bat également pour sauvegarder la montagne face aux appétits des industriels de l'éolien et du photovoltaïque. Suite à leur plainte contre la société Boralex, le tribunal administratif de Marseille a annulé en mai 2024 l’arrêté qui autorisait cette société à détruire des espèces et des habitats protégés sur le site de Cruis, où Boralex avait commencé à installer un grand parc photovoltaïque [11]. C'est certes un bâton dans les roues de ces industriels destructeurs, mais Boralex a déjà répliqué que cette décision ne remettait pas en cause leur droit d’exploiter la centrale solaire de Cruis, ni leur présence sur le site et les travaux de finition de la centrale [12].
On le voit, face aux Goliaths de l'industrie, les militants doivent déployer une énergie sans borne pour n'obtenir que de maigres victoires. Si ces actes de résistance sont courageux et admirables, cela n’empêche malheureusement pas l’inexorable avancée du système techno-industriel. Pour stopper le développement du photovoltaïque, et l’ensemble de la mégamachine industrielle, nous ne pouvons pas nous contenter de maigres victoires locales : c'est d'une révolte antitech mondiale dont nous avons besoin, et celle-ci ne se fera pas sans une stratégie sérieuse et des révolutionnaires ultra-déterminés.
Footnote [1] — https://www.parcduluberon.fr/le-parc/reserve-de-biosphere-luberon-lure/luberon-lure-parcelle-de-biosphere/
Footnote [2] — https://inpn.mnhn.fr/zone/znieff/930012706/tab/commentaires
Footnote [3] — Slogan utilisé par les militants anti-photovoltaïque de la montagne de Lure
Footnote [4] — https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/FRB_Prospective_scientifique_Energies_renouvelables-3.pdf pages 7 à 10
Footnote [5] — https://www.boralex.com/fr/nos-engagements/
Footnote [6] — https://ecoinfo.cnrs.fr/2010/10/20/le-silicium-les-impacts-environnementaux-lies-a-la-production/
Footnote [7] — https://www.lureenresistance.fr/
Footnote [8] — https://reporterre.net/Haute-Provence-amende-avec-sursis-pour-les-gardiennes-de-Lure
Footnote [9] — https://reporterre.net/Les-vigiles-d-un-parc-solaire-ont-blesse-des-opposants-a-coups-de-barres-de-fer
Footnote [10] — https://amilure.org/
Footnote [11] — https://marseille.cour-administrative-appel.fr/qui-sommes-nous/vie-de-la-cour/association-des-amis-de-la-montagne-de-lure
Footnote [12] — https://boralex.imgix.net/C_BLX_Cruis_Annulation_derogation_especes_protegees_FR.pdf
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