« J’ai échangé mon smartphone contre une hache »

Nous avons traduit un texte inspirant de Caleb, un adolescent américain qui est parvenu à se libérer de sa techno-addiction. Voici son histoire.


À 15 ans, Caleb Silverberg a pris la décision la plus importante de sa vie. Il a abandonné la technologie et mis le cap sur la forêt.

Durant la pandémie, je suis devenu esclave des écrans. Pendant des heures se succédaient cours en ligne, scroll d’Instagram et parties de Fortnite. Quand je m’immergeais dans ce monde de pixels, j’allais jusqu’à oublier de manger.

Mes samedis étaient plutôt sinistres : je me réveillais et me traînais jusqu’au canapé où ma Xbox m’avait attendu toute la nuit. Les stores fermés bloquaient les rayons du soleil et tout espoir d’en profiter – nager dans l’océan, faire du vélo en montagne, randonner avec mes chiens.

À 15 ans, je me suis regardé dans le miroir et j’y ai vu l’ombre de moi-même. Mon visage était pâle. Mes yeux étaient creusés. J’avais besoin d’un changement radical.

Je me rappelle vaguement l’une des amies de ma sœur aînée décrivant son lycée, Midland, un internat expérimental situé dans la forêt de Los Padres. L’école a été fondée en 1932 selon le principe « Needs Not Wants » (les besoins, pas les désirs). Dans la forêt, les téléphones portables et les jeux vidéo sont interdits et remplacés par des tâches pour faire fonctionner l’établissement : laver la vaisselle, nettoyer les salles de bains ou le réfectoire. Les élèves comptent les uns sur les autres.

Dès que j’ai entendu parler de cette oasis sans technologie, j’ai immédiatement candidaté pour y passer mes années de lycée. Quelques mois plus tard, le matin du 12 avril 2021, j’ai eu la meilleure nouvelle de ma vie. À 7 h 30, un courriel dont l’objet était « Bienvenue à Midland ! ».

J’ai crié : « Maman, j’ai été acceptée ! » Elle s’est précipitée, encore en peignoir, pour me féliciter.

Le 2 septembre 2021 a été mon premier jour à Midland. Ce jour-là, j’ai échangé mon smartphone contre une hache.

À Midland, les élèvent doivent couper du bois pour chauffer l’eau des douches, leurs chambres et salles de classe. Si personne ne le fait, ce sera douche froide, nuit fraîche et salle gelée. Pas de punition par un prof ou un adulte. Juste la déception de tes camarades. Tes amis.

Muni de ma hache, j’ai été libéré de la constante attraction technologique. J’ai découvert les joies de la conversation en tête à tête et savouré des moments sans avoir besoin de les publier sur les réseaux sociaux. J’ai embrassé une existence proche de la terre, dans la ferme autosuffisante gérée par les élèves et enseignants du lycée. Au printemps, je me rendais régulièrement dans le jardin pour savourer des poignées de fraises fraîches. Lors des dîners, je me régalais de la viande des vaches nourries à l’herbe de Midland. J’ai commencé à faire de la musculation pour reprendre les kilos perdus en jouant aux jeux vidéo et en négligeant ma faim. Vivre dans la nature sans Instagram, Fortnite ou TikTok m’a permis de me reconnecter au monde et de redécouvrir la valeur de relations humaines authentiques.

Cette chanson de Zippo colle parfaitement à la thématique de l’article 🙂

Les addictions numériques comme la mienne sont un problème omniprésent aujourd’hui. Un temps d’écran excessif peut entraîner des troubles de l’attention, de la myopie et de la dépression. Depuis 2005 et l’apparition des smartphones, le pourcentage d’Américains présentant des symptômes de dépression majeure a augmenté de 52 %. C’est un phénomène dont j’ai été le témoin direct dans mon cercle proche.

De nombreux adolescents ont du mal à socialiser avec leurs pairs en face à face, et se contentent d’interactions virtuelles via Instagram et Snapchat. Dans de nombreux lycées classiques, personne ne s’arrête pour se dire bonjour. Au lieu de cela, le silence dans les couloirs est seulement perturbé par le son strident des AirPods qui diffusent des chansons de rap.

Avant Midland, chaque fois que je m’asseyais sur le canapé, absorbé par TikTok ou Instagram, mes parents me mettaient en garde : « Caleb, ton cerveau va fondre si tu continues à regarder cet écran ! » Au début, je n’ai pas tenu compte de leurs inquiétudes. Mais j’ai fini par faire l’expérience de la vie sans écran collé à ma main et j’ai compris qu’ils avaient raison depuis le début.

J’entame aujourd’hui ma junior year (première) au lycée Midland. Chaque fois que je suis à la maison, j’utilise beaucoup moins mon portable, et seulement pour regarder mes émissions de télévision préférées ou parler aux nombreux amis que je me suis faits à l’école. Midland m’a aidé à changer ma manière de vivre ma vie. Je ne suis plus dépendant des écrans.

J’ai de la chance de fréquenter Midland. Mais tout le monde peut bénéficier de ses enseignements. À ma génération, j’aimerais offrir une solution vieille de 5 000 ans à notre dilemme du XXIe siècle. Shabbat est le congé hebdomadaire de la coutume judaïque, au cours duquel les individus prennent 24 heures pour se reposer et se détendre. Cette pause hebdomadaire permet à notre corps et à notre esprit de se ressourcer.

J’envisage trois niveaux potentiels de « shabbat technologique ». Le premier niveau est une expérience immersive, semblable à celle de Midland, où l’on vit sans téléphone portable. Le second est similaire au shabbat hebdomadaire traditionnel, en prenant un jour complet par semaine pour se couper de son téléphone. La troisième consiste à ranger son téléphone lorsqu’on se trouve dans un cadre éducatif, par exemple dans une salle de classe.

Je suis passé de l’utilisation frénétique d’un smartphone au maniement d’une hache, et j’ai pris conscience du pouvoir obtenu en se libérant de l’emprise des écrans. J’espère que d’autres jeunes de mon âge pourront suivre le même chemin, du téléphone à la hache. Pour cela, il suffit de se déconnecter.

Caleb Silverberg

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