Notre priorité ? Protéger la Vie

« Vous devez prendre une décision : l’élimination du système technologique justifie-t-elle tous les risques désespérés et les désastres terrifiants qu’elle implique potentiellement ? Si vous n’avez pas le courage de répondre “oui” à cette question, alors vous devriez cesser de vous plaindre des maux et des difficultés du monde moderne, et simplement vous y adapter au mieux, car seul l’effondrement du système pourrait mettre un terme à l’inexorable catastrophe en cours. »

– Theodore Kaczynski

Dans Révolution Anti-Tech : pourquoi et comment ?, Théodore Kaczynski note que les prédictions à long terme du développement des sociétés sont impossibles à réaliser. Il ajoute: « Des raisons très simples peuvent expliquer cette incapacité manifeste. Afin d’accomplir telle performance, il faudrait être capable de prévoir la moindre réaction de la société face à n’importe quelle action susceptible d’être entreprise ; or, de telles prévisions se sont généralement révélées très peu fiables. Les sociétés humaines étant des systèmes complexes – et tout particulièrement les sociétés technologiquement avancées –, la prédiction de leurs réactions ne dépend en fait ni de l’état de leurs connaissances ni de leur niveau de développement technologique. »

Il nous est parfois reproché de ne pas prévoir de société idéale, plan en main, après le démantèlement de la techno-société. Les sociétés idéales invoquées sont diverses mais se rejoignent toutes sur un point : l’étatisme. Il est à chaque fois question d’installer une forme de gouvernement qui, sans être présentée en ces termes, contraindrait la population à abandonner des comportements pour en adopter des plus « vertueux ». Comme si la santé de la planète impliquait des règles drastiques, standardisées au plus profond du quotidien, et les technologies de surveillance pour les faire respecter.

La lutte pour la biodiversité nécessiterait ainsi de parquer tout le monde dans des barres d’immeubles et de créer d’immenses zones naturelles protégées. La lutte pour l’abolition des classes sociales nous limiterait à des plafonds rigoureux, des instances de contrôle et répartition des capitaux, sans pour autant abolir la matrice technologique qui booste les inégalités. Le courant écosocialiste voudrait imposer la paix dans le monde en instaurant des régimes véritablement démocratiques et une élite mondiale « désintéressée ». Le refus des oppressions systémiques aboutirait à une égalité stricte sur tous les plans, abondamment normée et contrôlée, où la loi imposerait la discrimination positive en tous lieux.

Si de riches idées peuvent parfois en résulter, les mêmes erreurs stratégiques reviennent à chaque fois.

1. Construire une société entière n’est pas notre priorité

Les idéaux n’arrêtent pas les machines qui ravagent la terre. L’urgence est à l’arrêt du système présent. Pourquoi ? Parce qu’il détruit chaque jour plus vite, qu’il a la capacité d’anéantir durablement les conditions de vie sur Terre. Qui, face à ce danger imminent, aurait le luxe de vouloir mieux faire dans 50 ans ? Si votre maison brûle, vous ne pensez pas à comment mieux protéger votre prochain habitat : vous vous concentrez d’abord sur l’extinction de l’incendie. Plus flagrante encore est la nécessité du désarmement lorsque le système technologique désintègre partout les possibilités de construire autrement.

Ne croyez pas les opportunistes qui dressent un constat alarmant mais font en réalité primer d’autres objectifs : des revenus confortables dus aux conseils prodigués, une activité de substitution (votre interlocuteur s’amuse dans ce qu’il fait sans que ses privilèges manifestes ne soient impactés, sans sacrifice à faire), des intérêts de classe ou, plus altruiste, garder le confort de vie moderne, conserver l’électricité pour le monde entier, garder la « bonne » technologie, atteindre le consensus mondial, etc. Anti-Tech Resistance est un mouvement d’autodéfense du vivant contre les machines et leur monde. Nous recrutons ceux qui refusent de se laisser mourir.

2. S’atteler à construire sa société parfaite est aujourd’hui contre-productif

Les mouvements de résistance ne disposent, face au système industriel, que de très peu de terrains et moyens, et encore moins de cadres prêts à investir leurs journées dans l’organisation. Il est suicidaire de disperser ce maigre pool de ressources entre plusieurs objectifs. Il est fallacieux d’annoncer « nous pourrons tout faire » : la majorité des organisateurs finissent en burn-out, lassés de leur série d’échecs, tandis que les autres s’encroûtent dans des positions confortables, leur offrant un peu de sécurité, d’argent et d’attention.

Aussi, comme nous l’avons vu avec Kaczynski, il est impossible de prédire le devenir d’une société humaine. Ceux qui élaborent un plan complet de construction sur des dizaines d’années sont des rêveurs idéalistes fâchés avec l’histoire (celle-ci regorgeant de révolutions qui n’ont jamais esquissé la possibilité d’atteindre leur idéale société). Ils ne sont ni sérieux ni rigoureux. Privilégiez les stratégies courtes, fortement adaptatives.

3. La perspective d’une culture-type future est un grand frein à la réflexion stratégique

Les mouvements se brident quand ils font passer la victoire sur l’ennemi au second plan. Tout d’abord, il est incroyablement plus difficile de se mettre d’accord pour bâtir dans le détail que de se mettre d’accord pour mettre fin à une aberration. L’édification d’une société soumise à un principe particulier divise, là où il est aisé de trouver des intérêts communs si nous sommes tous aliénés par un ennemi extérieur. L’objectif de déconstruction, par exemple, n’a pas de fin annoncée, est mal accepté et désigne un ennemi intérieur : il aura de nombreux risques d’échouer à grande échelle.

Les brides peuvent être d’un autre type. Selon beaucoup, il ne faudrait pas trop abîmer ce qui nous menace, car nous pourrions utiliser autrement les machines, qu’il s’agisse d’industries, d’infrastructures énergétiques mais aussi d’institutions, d’outils de propagande (pour l’éducation écologiste). Trop souvent nos mouvements appellent à protéger le léviathan qu’est l’État. Là se trouve la limite des bonnes intentions. Si vous pensez votre idéologie dominante, si vous pensez que l’imposer réglerait des oppressions centenaires, vous vous en remettrez à un pouvoir assez puissant pour dominer la majorité ; pouvoir déjà en place, optimisé, qui dégénérera tôt ou tard.

Avant même de penser à l’après, les organisateurs seront freinés par des considérations court-termistes : il ne faut pas embêter directement tel groupe (ex : les prolétaires, les étudiants) pendant nos actions (ex : blocage) de peur de se faire mal voir, il ne faut pas altérer l’outil de travail, car nous ne sommes pas légitimes à le faire, car cela rendrait la vie des travailleurs et usagers trop dure, il faut mettre en place tout de suite les principes que nous voulons dans notre prochaine société (horizontalité totale dans la prise de décision, même quand les situations de terrain nécessitent une expérience poussée et des choix rapides), etc.

La stratégie d’un mouvement offensif, qui n’a pas vocation à rester après la défaite de son ennemi, rencontre inévitablement des contradictions avec une stratégie visant à créer une culture entière à côté. Cette incompatibilité oblige les leaders de la seconde tendance à passer du statut de révolutionnaire à celui de réformiste, voire finalement contre-révolutionnaire. Pour fuir la dissonance cognitive (urgence à agir mais inadéquation stratégique), ceux-ci se persuadent que le changement doit être très long et progressif. Sur le plan motivationnel, l’esprit de sacrifice (de son temps, de son argent…) est largement amoindri par un objectif de plusieurs décennies.

Pour ces raisons et bien d’autres, nous estimons qu’il n’est pas souhaitable de présenter un projet complet de société pour demain. Notre mouvement n’a pas la prétention de fournir la vérité, le meilleur modèle au monde, mais celle de fournir la possibilité aux individus de construire quelque chose de viable, qui fait sens pour eux.

Mais cela ne signifie nullement que nous ne pouvons émettre une vision de la suite. Toute préparation stratégique s’accommode bien de grandes lignes directrices, tant qu’elles ne gênent pas l’objectif principal (démantèlement). On ne peut rien construire sans détruire ce qui nous tue. Quelque soit votre conviction, aucun programme n’est applicable dans un monde à +10C°. Le programme d’ATR est ainsi une projection dans l’avenir qui n’éclipse pas la nécessité impérieuse de désarmer le système technologique. Le programme motive en fournissant de l’espérance là où l’objectif offensif fournit le sentiment de justice et de rationalité.

Anti-Tech Resistance est le seul mouvement ayant compris la nécessité d’une hiérarchisation de l’action. Toutes les autres organisations divisent leur énergie à dessiner un modèle de société prête à l’emploi ou à cibler des conséquences. Sans mesurer la gravité de la situation, sans prioriser l’impérieuse nécessité de désarmer le système technologique. Même les groupes les plus radicaux ont commis ces erreurs. C’est notre travail acharné sur la stratégie qui fait la différence. Si vous êtes prêts à faire la révolution, rejoignez la Résistance Anti-Tech.

Photo : situé en Afrique australe, le delta de l’Okavango, l’un des derniers sanctuaires épargnés par le développement industriel, est aujourd’hui menacé par l’exploration pétrolière.

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