Camp d'été — Août 2024

Pendant une semaine, le camp d’été fait office de terrain de formation théorique et pratique en vue de mener la révolution anti-tech. Ce camp permet aussi aux camarades – nationaux et internationaux – de se rencontrer et de renforcer les liens humains, chose indispensable avec l’éloignement géographique. La cadence est intense, et le contenu galvanisant.

UN LIEU INSPIRANT

Fin du mois d'août. Plus de 25 anti-tech déterminés se sont rendus en Lorraine dans un lieu permacole accueillant et agréable. Ici, pas de pesticides ni de produits chimiques. À la place, de l'huile de coude et des canards coureurs indiens permettent de réguler les espèces prédatrices. Au milieu de ce petit symbiocène : des planches pour faire des tables, une cabane modeste pour faire la cuisine, et c'est parti. Notre principal lieu de vie et de travail est adopté.

Nous sommes nombreux à dormir à l'extérieur, dans la forêt. La canopée et l'humus gorgés de vie de la forêt nous rappellent ce pour quoi nous nous battons.

Cette région a été ravagée par l'extractivisme minier, et les populations locales souffrent encore des conséquences de cette industrie (paysages défigurés, pollutions des sols et de l’eau, etc.).

Les tâches communes sont réparties chaque jour en autogestion sur des tableaux, et j’ai encore du mal à croire, au vu de la densité du planning des formations, que tout a pu être mené à son terme.

DES FORMATIONS ÉCLAIRANTES

Le Soleil se lève, et des camarades sortent de la forêt, depuis l'espace camping, et d'autres recoins en bâti. Les plus braves prennent sur leur temps de sommeil pour faire des étirements et du renforcement musculaire. Chaque jour, malgré le froid et l'humidité de la nuit, tout le monde se retrouve tôt le matin pour se restaurer, ranger, sortir les carnets, et commencer les activités.

Au cours des différents exposés, celui sur l'extractivisme minier nous a permis d’apprendre des choses parfois difficiles à digérer : dans un monde digital qui dépend intégralement des minerais, l'Europe consomme un tiers des ressources arrachées à la terre, alors qu'elle n'en fournit au reste du monde que 5%. Pour atteindre la « décarbonation », la quantité de métaux que les excavatrices vont arracher à l’écorce terrestre va quadrupler. Cet emballement pour les technologies prétendument « vertes » ou « propres » stimule le développement de l’industrie du lithium en Europe et en France, notamment dans l’Allier et en Alsace. Grâce à la réindustrialisation en cours, les Français vont bientôt (re)découvrir les joies d’une vie à proximité d’un site industriel.

Nous explorons des axes offensifs, nous nous formons afin d’être capables de cibler les racines du Système techno-industriel qui nous réduit en esclavage. Ainsi pour pallier l’égarement et au burnout militants, ou encore aux conflits intérieurs, on s'informe sur les écueils du libéralisme, de l’individualisme et du court-termisme. Au vu de l'ampleur de la tâche, et surtout face à l’urgence climatique et écosystémique, nous devrons collectivement prioriser la mise à l’arrêt du système sur tout le reste.

Cette remise en question est bien complétée par les exercices de rhétorique. Nous apprenons à susciter de l'intérêt en transmettant des idées fortes, parfois avec diplomatie, d’autres fois en clivant délibérément. Les retours d'expériences de camarades permettent de différencier selon le contexte les tactiques qui fonctionnent de celles qui échouent.

Certains soirs, des ciné-débats sont organisés pour en apprendre davantage sur l’histoire des luttes. Ces récits permettent de mettre en lumière et d’apprendre de nos prédécesseurs, en Occident et ailleurs dans le Sud global. La fougue, le courage et la capacité à rassembler des Black Panthers, incarnés par Fred Hampton, redeviendront-ils une réalité dans les milieux militants ? Judas And The Black Messiah nous invite à travailler en ce sens. Le mouvement anti-tech saura-t-il être aussi imaginatif et combattif que la résistance indépendantiste et anti-extractiviste de Mekaamui (île de Bougainville) ? Le film Coconut Revolution rappelle que c'est impératif, et que la lutte anti-coloniale et anti-extractiviste continuera tant que le système industriel sera une réalité.

Nous occupons nos autres soirées en chantant autour d’un feu de camp. Certaines chansons sont des grands classiques révolutionnaires, héritages des luttes passées : Makhnovchina. la Blanche Hermine. Le Pieu. D'autres textes sont des compositions soignées par les camarades.

UN PÔLE INTERNATIONAL PROMETTEUR

Cette année a lieu la première rencontre entre des camarades anti-tech internationaux. Tout a été préparé pour les recevoir dans les meilleures conditions : une équipe de traducteurs gère la traduction des formations ainsi que les échanges oraux, de même que les plannings et les trames des formations.

La diffusion de l’analyse anti-tech à l’international est essentielle d’un point de vue stratégique. Comme le mentionne explicitement Théodore Kaczynski, « tout mouvement cherchant à limiter la technologie doit être mondial. » Il est galvanisant de voir qu’en échangeant avec nos camarades internationaux sur l’analyse anti-industrielle, nous parlons le même langage. Le front anti-tech ne connaîtra bientôt plus de frontières.

N'AYONS PAS PEUR DES CORPS

Ce brassage mental est constructif, mais il faut du temps pour digérer la dose d’information. Heureusement pour nous, les formations théoriques sont entrecoupées de temps de sport – mais toujours avec le souci de la stratégie à l’esprit ! Captures de drapeaux en mode combat asymétrique, rugby, autodéfense ou encore playfight sont notamment au programme.

Pour certaines personnes, le contact physique est inhabituel. Alors des groupes sont simplement répartis pour correspondre au mieux aux besoins de chacun et chacune. Au final, lors des débriefs, tous les retours vont dans la même direction : au fil des exercices, il est plutôt libérateur de ressentir la force du collectif qui nous porte, nous aide à sortir de notre zone de confort et à repousser nos limites.

UNE CERTAINE IDÉE DE LA VIE DE CHÂTEAU

À la moitié de la semaine, c'est tout un groupe volontaire qui part vers une excursion dans les Vosges. Une colonne de sacs à dos sillonne les forêts et les monts pendant deux journées et une nuit. Tantôt en chantant, tantôt en silence, et parfois même en marchant pieds nus, la peau au contact direct de la terre et des pierres.

La nuit se déroule dans une ruine de château - aujourd'hui une bête forme de pierre taillée à même la roche. Nous prenons la relève de l'Histoire pour investir ce lieu d'une nouvelle façon. Les personnes sont réparties en équipe pour organiser le campement et garantir la sécurité de tout le monde. Nous gardons à l’esprit que quelques nuits avant notre expédition, sur la ZAD de l'A69 entre Toulouse et Castres, une milice techno-fasciste a attaqué au couteau et incendié un campement de militants présents sur place. Cette histoire nous rappelle que la préparation et la culture de sécurité ont une utilité très concrète.

Le camp d'été s'achève, l’émotion est palpable. Les anti-tech rentrent chez eux avec plein de souvenirs mémorables de ces quelques jours passés ensemble. Mais le retour au pays du béton peut être difficile. Alors on se souvient de ce qu'on a compris, de ce qu'on a ressenti, et on ressasse des souvenirs partagés avec les camarades afin de ne pas oublier avec qui on se bat, ces gens sur qui on peut compter.

Après avoir quitté l’oasis anti-tech, il est temps pour nous de replonger dans la technosphère, de faire face aux nuisances industrielles pour ne pas oublier ce contre quoi on se bat. Stopper la destruction du monde vivant est la priorité absolue. Courage aux camarades, le chemin sera long et difficile.
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« Quand tu verras ton quartier comme un décor en carton,
Sors de ta boîte en parpaings et claque la porte en partant.
Allez ! La vie est courte !
Quitte la ville et suis les routes,
Éloigne-toi de tous ces écrans
Qui t'ont mis des doutes,
Avant de te transformer en blaireau appartenant
À son putain de smartphone et son vélo d'appartement. »

- Zippo, Le Paradis Perdu