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Culture de sécurité
Stratégie révolutionnaire

Gilets jaunes : analyse stratégique des succès et erreurs

Par
S.C
13
March
2023
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Nous avons été très enthousiastes de voir en Europe un soulèvement populaire comme celui des Gilets jaunes. Pour certains d’entre nous, cet événement a fait l’effet d’un déclencheur. Il y a un avant et un après les Gilets jaunes. Qu’il y ait encore en ce bas monde des gens dotés d’une conscience politique, des gens qui brûlent d’envie de se battre pour la justice et la liberté, cela nous donne du courage et de la force.

Les succès des Gilets jaunes

Avant de passer en revue les erreurs des Gilets jaunes (GJ), il faut souligner quelques succès tactiques indéniables :

  • Excellente capacité à fédérer les sentiments de colère, à les canaliser pour en faire une puissante force potentiellement capable de déclencher des changements majeures dans la société[1] ;
  • Utilisation d’un symbole (le gilet) et d’une couleur (jaune) pour accroître l’effet « tribu » et la visibilité médiatique ;
  • Dénonciation de l’insécurité permanente – précarité, dépendance, concurrence, terrorisme, etc. – dans laquelle nous plonge le système techno-industriel mondialisé[2] ;
  • Le choix du local en occupant des ronds-points et en bloquant des routes partout en France ;
  • Mise en avant d’un énorme besoin de fraterniser, de créer du lien et de s’associer[3] ;
  • Esprit d’initiative laissé aux gens qui a permis une créativité maximale ;
  • Une lutte divisée en plusieurs actes, comme au théâtre[4] ;
  • Les GJ ont su exploiter les médias sociaux et les messageries instantanées pour fédérer[5] ;
  • En investissant Facebook, les GJ ont débordé les journalistes, scientifiques, experts et politiques qui s’informaient plutôt sur Twitter, ce qui leur a permis de couper l’herbe sous le pied aux médias dominants pour atteindre les masses[6] ;
  • Exagérer les chiffres de la mobilisation nationale pour inciter de nouvelles personnes à rejoindre le mouvement.

Les erreurs des Gilets jaunes

Absence d’objectif clair et unique

Les Gilets jaunes se sont constitués en réaction à la taxe carbone. Si l’une des revendications principales de nature révolutionnaire semble avoir été la démocratie directe, des velléités réformistes se sont rapidement ajoutées à la suite comme le référendum d’initiative citoyenne (RIC), une réforme de la fiscalité ou encore l’adoption du scrutin proportionnel pour les élections législatives.

Mao Zedong disait qu’il fallait s’efforcer de trouver la « contradiction principale » dans la société afin de construire un mouvement efficace. Lors d’un conflit asymétrique, une organisation qui n’a pas d’objectif clairement défini, ou qui cherche à poursuivre plusieurs objectifs, aura tendance à s’effondrer plus rapidement ou à dégénérer. Le manque de clarté engendre naturellement de l’incompréhension sur la direction à suivre et crée un terrain propice aux divisions internes. Les entreprises, c’est-à-dire les organisations dominantes à l’heure actuelle dans le monde, utilisent la méthode des objectifs SMART (Spécifique, Mesurable, Acceptable, Réaliste, Temporellement défini) pour choisir leurs objectifs stratégiques.

L’autre intérêt d’avoir un objectif unique réside dans la gestion optimisée des ressources. Dans un conflit asymétrique, le camp faible ne peut compter que sur des ressources matérielles, humaines et financières en quantités souvent très limitées. Le choix d’un objectif unique présente un intérêt indéniable en matière d’efficacité : consacrer le maximum de ressources à sa réalisation.

Privilégier un objectif unique augmente mécaniquement l'efficacité d'un mouvement. C'est une question de physique, comme dirait Janco.

Manque global de théorie et de stratégie

« Pour optimiser l’efficacité de la lutte nonviolente qu’on prépare, il faut adopter une stratégie solide, adaptée au conflit concerné. »[7]

– Gene Sharp

L’émergence des GJ en réaction à la politique fiscale du gouvernement, ainsi que sa croissance extrêmement rapide, a empêché de poser des fondations théoriques et stratégiques solides. Il aurait fallu un minimum de planification stratégique avant de passer à l’action, chose bien sûr difficile et probablement impossible lors d’une insurrection précipitée.

Sans ce travail de préparation en amont, sans un cadre idéologique pour assurer la cohésion et orienter l’« effort de guerre » dans la bonne direction, le mouvement s’est essoufflé aussi vite qu’il a émergé. D’après le politologue Gene Sharp, la stratégie est la « conception du meilleur moyen d’agir pour atteindre ses objectifs au cours d’un conflit. »

Il existe quatre « niveaux » de stratégie :

  • La stratégie générale : le plan d’ensemble pour orienter le mouvement ;
  • Les stratégies de campagne : elles indiquent comment gérer des conflits spécifiques dans le cadre de la lutte d’ensemble et de la stratégie générale (exemple : l’organisation Sea Shepherd mène des campagnes dans le cadre de sa lutte d’ensemble contre l’extermination de la vie des océans) ;
  • La tactique : elle prévoit comment les militants agiront et les méthodes d’action dans une situation donnée ;
  • Les méthodes spécifiques : ce sont les méthodes d’action employées lors des opérations.

Par souci de concision, nous reviendrons plus en détail là-dessus dans d’autres articles.

Manque de hiérarchie et de leaders

Les Gilets jaunes n’avaient pas vraiment de leaders identifiés, c’est un mouvement sans structure formelle. Peu à peu, quelques figures ont toutefois émergé : Éric Drouet, Maxime Nicolle, Priscilla Ludovsky, Jérôme Rodrigues, Thierry-Paul Valette ou encore Ingrid Levavasseur. Cependant, comme le mouvement était déjà lancé, qu’il manquait une structure idéologique autant qu’un objectif clair et une stratégie pour unifier les sensibilités très disparates du mouvement, ces leaders naturels n’ont rien pu faire pour éviter la désintégration. Celle-ci était programmée depuis le départ.

Malheureusement, il semble y avoir chez de nombreux militants une aversion absurde pour toute forme de hiérarchie, même lorsque celle-ci laisse une grande autonomie aux individus. Pour argumenter leur position, ils mettent en avant croyances irrationnelles et sophismes : les leaders et la hiérarchie, ce serait un truc de droite ; il serait facile de couper la tête d’un mouvement hiérarchique ; entreprises, syndicats et partis politiques adoptent des organisations hiérarchiques, donc la hiérarchie c’est mal ; la plus grande victoire des GJ serait d’avoir évité la hiérarchie (on se console comme on peut) ; un mouvement hiérarchique engendrerait automatiquement un régime despotique ; etc.

On peut répondre plusieurs choses à cela :

1) Aucun mouvement de résistance dans l’histoire n’est parvenu à réaliser quoi que ce soit sans une vision, une stratégie et des leaders. Même chez les anarchistes. Le Rojava avait Abdullah Öcalan. Le Chiapas avait Marcos. L’Ukraine avait Makhno. L’Espagne avait Durruti. Pour d’autres mouvements de résistance politique, même histoire. L’Afrique du Sud avait Mandela. La France avait De Gaulle et Jean Moulin. Cuba avait Fidel et Che Guevara. La Chine avait Mao. La Russie avait Lénine et Trotski. Les Black Panthers avaient Bobby Seale, Huey P. Newton et Eldridge Cleaver[8]. L’Irlande avait Eamon de Valera et Michael Collins. Le Vietnam avait Hồ Chí Minh et Võ Nguyên Giáp. La Guinée-Bissau avait Amilcar Cabral. Le Burkina avait Sankara. Bougainville avait Francis Ona. L’Afghanistan avait Massoud. Etc.

Vous remarquerez que la plupart de ces mouvements se positionnent à gauche sur l’échiquier politique. On pourrait continuer sur des pages entières à lister les mouvements efficaces. On pourrait également lister toutes les luttes acéphales, spontanées et désorganisées qui ont échoué et continuent d’échouer, en France et ailleurs : les manifestations de mai 68, Nuit Debout, Occupy Wall Street, Extinction Rebellion, le mouvement Climat, le mouvement hippie, les GJ, etc.

On pourrait également citer une foule d’exemples montrant que l’absence d’un minimum de structure formelle n’empêche pas la constitution de hiérarchies informelles. Sous couvert d’égalité et de bienveillance, la plus implacable des tyrannies peut s’installer. Les milieux militants sont littéralement gangrénés par ce genre de problèmes. Comme l’écrivait très justement Theodore Kaczynski, « le gauchiste est moins motivé par le malaise social que par son besoin de satisfaire son processus de pouvoir en imposant ses solutions à la société[9]. » L’individualisme nuit à l'efficacité de la lutte. Dans un mouvement on joue collectif, l’ego et les désaccords secondaires doivent s’effacer au profit de la cause prioritaire.

Amílcar Cabral, fondateur du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC). Dans le livre Full Spectrum Resistance, on apprend que son leadership n'avait rien à voir avec une quelconque forme d'autoritarisme : "La caractéristique la plus impressionnante du leadership de Cabral fut probablement son succès dans le développement d'un parti qui pouvait fonctionner efficacement sans lui [...]. Son approche consistait à s'appuyer davantage sur les cadres [les principaux coordinateurs] qu'il formait que sur la structure ou l'idéologie du parti."

2) Une opposition entre deux groupes aux objectifs contradictoires appelle toujours un minimum d’organisation, parce que c’est efficace. Certaines personnes ont des compétences particulières et excellent dans un domaine précis, d’autres sont simplement fainéantes et lâches[10]. Il y a des gens plus âgés avec une certaine expérience de la vie, d’autres plus jeunes sont plein d’enthousiasme et ne tiennent pas en place. Certaines personnalités sont plus solides psychologiquement que d’autres et parviennent à faire abstraction de leur ego pour se dédier entièrement à la cause. Certaines possèdent une meilleure écoute et font preuve d’humilité, d’autres en sont incapables. Organiser cette diversité en vue d’atteindre un objectif précis impose d’avoir un minimum de structure et des organisateurs. C’est encore plus vrai quand le mouvement atteint une taille critique. On voit assez mal comment travailler à la réalisation d’un objectif sans un minimum d’organisation avec un groupe de 50 personnes, alors 500 ou plus… Ajoutons que lors d’une agression, il faut réagir vite et de façon coordonnée, chose impossible dans un cadre démocratique. On n’a jamais organisé d’élections sur un champ de bataille. Par conséquent, pour toutes ces raisons (et d’autres qu’on oublie probablement) une organisation qui vise la victoire finale doit se structurer. Même les sociétés tribales anarchiques se sont souvent constituées en chefferies et en États pour se défendre face à des envahisseurs, cela de façon temporaire[11].

Cela dit, nous avons bien conscience que l’excès de hiérarchie conduit à la bureaucratie et à l’inefficacité. Tout l’art de la stratégie réside par conséquent dans la recherche d’une structure laissant suffisamment d’autonomie et d’esprit d’initiative aux individus, tout en veillant à ce que le mouvement progresse en direction de l’objectif. Pour conclure sur ce point, des millénaires d’histoire abondent en ce sens : un encadrement minimum est efficace pour construire des mouvements solides lors d’un conflit. Le nier conduira irrémédiablement à la défaite.

3) Un mouvement hiérarchique n’est pas nécessairement autoritaire et ne donne pas obligatoirement naissance à un régime totalitaire. En Ukraine au début du XXe siècle, le paysan anarchiste Nestor Makhno a mené une révolution au nom de la paysannerie sans dérive autoritaire. Malheureusement, d’autres forces ont rapidement neutralisé la Makhnovchtchina. Quelques années plus tard, Makhno écrivait au sujet des anarchistes russes écrasés par les bolcheviks que s’ils avaient été « étroitement liés sur le plan organisationnel et avaient observé, dans leurs actions une discipline bien déterminée, ils n’auraient jamais subi une telle défaite[12]. »

Même chose pour le Rojava, le Chiapas, l’ïle de Bougainville, l’Irlande, etc. Encore une fois, cette idée repose sur le sophisme suivant : les moyens détermineraient systématiquement la fin. C’est vrai dans certains cas seulement. Il y a ici confusion entre la hiérarchie et l’objectif poursuivi par un mouvement. Si un mouvement a comme objectif de s’emparer de l’État et d’employer sa puissance pour imposer une utopie à l’ensemble des groupes humains qui peuplent son territoire, il a de fortes chances d’évoluer vers l’autoritarisme. Il a été montré qu’un ordre formel imposé d’en haut engendre du chaos plutôt que de l’ordre[13]. En revanche, si un mouvement se donne pour objectif de démanteler les conditions matérielles – moyens de communication, infrastructures énergétiques et réseaux de transport – qui sous-tendent la constitution d’un pouvoir centralisé, l’instauration d’un régime despotique devient pratiquement impossible[14].

4) Les leaders des mouvements victorieux ne sont pas systématiquement assassinés. Premièrement, les exemples abondent de mouvements efficaces qui ont atteint leurs objectifs sans perdre leurs leaders. Et il suffit de voir le culte de la personnalité voué à Thomas Sankara et Patrice Lumumba en Afrique pour en arriver à la conclusion que chaque leader assassiné devient aussitôt un martyr[15]. Les journaux clandestins de la résistance française publiaient régulièrement des listes des combattants assassinés par l’ennemi pour créer un légendaire, susciter l’admiration et des vocations[16].

Une autre information essentielle sur le plan stratégique nous est donnée par les camarades de l'Atelier paysan dans leur manifeste Reprendre la terre aux machines. D'après leurs observations, tous les mouvements sociaux victorieux des deux derniers siècles se sont basés sur trois piliers : l'existence d'alternatives à l'ordre social existant, l'éducation populaire (développement d'une conscience politique) et le rapport de force. Nous nous concentrons dans cet article sur ce dernier aspect de la lutte.

Erreurs tactiques

Cette liste est non exhaustive.

Manifester à Paris

Croire que tous les problèmes se règlent à la capitale est un vieux réflexe français probablement hérité de la Révolution de 1789. Mais nous ne sommes plus au XVIIIe siècle. D’abord, suite aux insurrections parisiennes répétées au début du XIXe siècle, l’architecture des avenues a été repensée sous Napoléon III pour faciliter le maintien de l’ordre[17]. Cette modification réduit l’effet de friction du terrain. Dans un combat asymétrique, un terrain lisse et plat avantage considérablement l’armée la plus puissante. Le camp disposant de ressources limitées doit s’efforcer de combattre son adversaire sur des terrains où l’effet de friction est maximal (exemple : forêts, marais, montagnes). À noter que la construction de barricades sert entre autres à accroître cet effet de friction, mais il est bien plus difficile d’en édifier sur de grands boulevards.

D’autre part, le pouvoir dans le monde industrialisé d’aujourd’hui se concentre dans les grandes organisations bureaucratiques et économiques. Leur pouvoir repose entièrement sur des éléments matériels, principalement les infrastructures énergétiques, de transport et de communication. Ces dernières garantissent par exemple à un État moderne – ou à des milices privées – une capacité d’intervention et de contrôle sur l’ensemble du territoire « colonisé » par lesdites infrastructures. De plus, en rendant l’ensemble de la population d’un territoire donné dépendante de ces infrastructures pour leur subsistance (alimentation, énergie), les grandes firmes industrielles privées et étatiques sont parvenues à imposer une domination matérielle écrasante. Ainsi, prendre d’assaut la capitale créera certes quelques perturbations dans la localité, mais cela ne risque pas de modifier fondamentalement la distribution inégalitaire du pouvoir au sein de la société française. Il aurait été plus avisé de rester en régions, sur les ronds-points et les routes.

Les destructions de symboles

Les saccages et destructions de biens n’ont qu’une portée symbolique, leur impact étant négligeable en termes d’efficacité. Bien qu’il puisse être agréable de voir les bourgeois de plateaux télés craindre le peuple, force est de reconnaître que les dégradations de l’Arc de triomphe et sur les Champs Élysées n’ont en définitive pas servi à grand-chose pour faire avancer la cause des GJ. Le pouvoir repose avant tout sur des moyens matériels – des technologies – et non sur des symboles. Ajoutons à cela que le saccage d'un symbole était du pain béni pour le pouvoir qui n'attendait que ça pour intensifier la répression du mouvement. Il est important de comprendre que nous ne portons pas ici de jugement moral.  La question n'est pas de savoir si c'est une bonne ou une mauvaise chose de saccager un monument, mais d'estimer, au vu des conséquences, si cette action a permis d'accroître ou non la puissance matérielle du mouvement des Gilets jaunes.

La colère n'est efficace que lorsqu'elle est mise au service d'objectifs stratégiques. En l'occurrence, saccager un symbole comme l'Arc de triomphe a probablement plus desservi la cause des Gilets jaunes qu'autre chose.

La victimisation

Dernière erreur tactique qui nous vient à l’esprit : la communication des GJ concernant les blessés lors des affrontements avec les forces de l’ordre. D’après les chiffres donnés par Wikipédia, il y aurait eu près de 25 800 blessés dont 2 500 assez graves pour avoir été pris en charge par les sapeurs-pompiers. Les blessés ont souvent été présentés comme des victimes, pour mettre en avant la brutalité de la police. Une telle communication sème les graines de la peur et démoralise les gens dans le mouvement. Il nous semble qu’un mouvement cherchant à prendre l’ascendant psychologique sur son ennemi devrait au contraire présenter ses blessés comme des héros et des martyrs. Il faut créer un légendaire, glorifier la prise de risque et le sacrifice. Là encore, tout ceci doit être pensé en amont, d’où la nécessité d’une préparation, d’une stratégie.

Le mouvement des Gilets jaunes a été salutaire. Il a rappelé que la révolution était toujours pleinement d’actualité. Tant qu’il y aura de l’injustice, tant qu’il y aura une élite de parasites qui concentrera le pouvoir entre ses mains, il y aura des révolutionnaires. Ceci est une loi de l’histoire. Nous espérons que cette modeste contribution servira à accroître l’efficacité des combats à venir.

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Footnote [1] — La colère, qui est la réaction naturelle d’un être humain lorsque ce qu’il aime se trouve menacé, est le moteur du changement (contrairement aux inepties colportées par les bourgeois réformistes).

Footnote [2] — Même si cette dénomination n’était pas employée, la mondialisation, l’uniformisation du monde et la mise en concurrence généralisée des êtres humains d’un bout à l’autre du globe sont une conséquence matérielle du système techno-industriel. Il est complètement illusoire d’espérer endiguer cette tendance à « la guerre de tous contre tous » sans démanteler les infrastructures de communication et de transport qui rendent la mondialisation possible.

Footnote [3] — Des neuroscientifiques, psychologues et neuroscientifiques comme Michel Desmurget en France et Sherry Turkle aux États-Unis ont montré que la technologie détruisait l’empathie chez l’être humain, donc la capacité à faire société. La technologie détruit les liens humains réels pour les remplacer par des liens virtuels, mécaniques. La déshumanisation de la société moderne est la conséquence directe de la colonisation technologique de l’existence. L’optimum sociétal de ce système consisterait à enfermer les corps humains dans des boîtes et à projeter leur esprit dans un monde virtuel, un peu à la manière du film Matrix.

Footnote [4] — Certains points relevés ici viennent de l’historien et stratégiste Michel Goya : https://lavoiedelepee.blogspot.com/2019/01/le-mouvement-des-gilets-jaunes-comme.html

Footnote [5] — Une révolution doit utiliser les moyens de communication de l’époque, voir notre article sur le sujet. Avec à peine 800 guérilleros, Fidel Castro et Che Guevara n’auraient jamais pu renverser le dictateur Batista et son armée de 30 000 hommes sans investir le terrain de la guerre psychologique (via les médias).

Footnote [6] — Voir par exemple : https://signauxfaibles.co/2019/01/17/neuf-lecons-a-tirer-du-mouvement-des-gilets-jaunes-pour-les-prochaines-annees/.

Footnote [7] — Gene Sharp, La lutte nonviolente au XXIe siècle, 2005

Footnote [8] — Le Black Panther Party n’a certes pas renversé le gouvernement des États-Unis, notamment en raison de nombreuses erreurs qui auraient pu être évitées. Mais le FBI le considérait comme la plus grande menace intérieure, c’est pourquoi les grossières erreurs du BPP lui ont été fatales.

Footnote [9] — Theodore Kaczynski, La Société industrielle et son avenir, 1995.

Footnote [10] —  Profitons-en pour rappeler que l’oisiveté est historiquement une valeur centrale de l’aristocratie. La noblesse méprisait le travail des paysans et aspirait à se délivrer de toutes les tâches liées à la subsistance. Il semblerait que l’évolution de la nature du travail suite au progrès technique ait contribué à changer sa perception à gauche. Sur ce sujet, voir les excellentes réflexions d’Aurélien Berlan dans Terre et Liberté et de Bertrand Louart dans Réappropriation.Voir aussi ce célèbre chant anarchiste italien de 1892 cité par l’anthropologue Stefano Boni dans son livre Homo confort :Du travail, nous sommes les enfantsEt par le travail, à l’unisson,Nous voulons échapper aux griffesDes avides et vils patrons– L’Inno dei malfattori (« L’Hymne des malfaiteurs »)

Footnote [11] — Pierre Clastres, La Société contre l’État, 1974 ; voir aussi John H. Bodley, Victims of Progress, 1975 :

« Historiquement, les peuples indigènes n’ont pas été des victimes passives de l’expansion des sociétés étatiques et marchandes. En général, ils se sont défendus plutôt efficacement contre les États et les empires préindustriels pendant plus de six mille ans. De nombreuses sociétés tribales se sont bien sûr transformées en chefferies et en États pour se défendre, mais beaucoup se sont contentées d’organiser des alliances militaires temporaires pour protéger efficacement leur territoire. »

Footnote [12] — Texte à lire sur notre blog.

Footnote [13] — James C. Scott, L’œil de l’État : moderniser, uniformiser, détruire, 1997.

Footnote [14] — Un monarque absolu comme Louis XIV avait beaucoup moins de pouvoir sur son territoire et ses sujets qu’un dictateur du XXe siècle. Le progrès technologique accroît considérablement le pouvoir de l’État.

Footnote [15] — Selon l’anthropologue Scott Atran : « Même lorsqu’ils sont vaincus et anéantis, ceux qui ont la volonté de se battre entrent souvent dans la légende. Ils deviennent des héros et des martyrs. »

Texte à lire ici : https://www.vert-resistance.org/ressources-complementaires/de-limportance-du-sacrifice-et-de-la-volonte-de-combattre/

Footnote [16] — Julien Blanc, Sébastien Albertelli et Laurent Douzou, La lutte clandestine en France : une histoire de la résistance 1940-1944 (2019)

Footnote [17] — James C. Scott, L’œil de l’État : « Au cœur des projets parisiens de Napoléon III et d’Haussmann se trouvait la sécurité militaire de l’État. Avant toute chose, la cité réaménagée devait être protégée contre les insurrections populaires. Comme l’écrivit Haussmann : “L’ordre de cette Cité-Reine est une des premières conditions de la sécurité générale.” Des barricades avaient été érigées par neuf fois au cours des vingt-cinq années précédant 1851. Louis-Napoléon Bonaparte et Haussmann avaient vécu les révolutions de 1830 et 1848 ; les journées de Juin et la résistance au coup d’État de 1851 avaient donné lieu aux plus grandes insurrections que le siècle ait connues. Enfin, en tant qu’ancien exilé, Napoléon III était bien conscient de la fragilité de son pouvoir. »

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