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Technocène

Homo industrialis, ou le culte funeste de l'artificiel (par Mathias Lefèvre et Jacques Luzi)

Par
S.C
13
May
2022
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Nous avons reproduit une analyse éclairante de la société industrielle et de l'espèce étrange qui lui a donné le jour, Homo Industrialis. Ce texte a été publié à l'origine dans la revue Écologie & Politique en 2017 par Mathias Lefèvre et Jacques Luzi. Le second est maître de conférences en économie et animateur de la revue.

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On comprend pourquoi l’artificialisme est devenu maintenant l’idéologie officielle de la domination, qui nie la nécessité de la nature et même son existence ; c’est qu’elle veut devenir enfin et absolument ce qu’elle a toujours voulu être : une totalité dont les hommes ne puissent même plus songer à sortir, un monde sans dehors.

– Encyclopédie des Nuisances[1]

Notre éloignement de la nature ne prendra fin que lorsque nous l’aurons refaite.

– F. M. Esfandiary[2]

Nous pensons que l’avenir sera très radieux.

– J. Craig Venter[3]

Selon la théorie la mieux étayée à ce jour, l’espèce humaine est apparue sur la Terre, au gré de l’évolution de la vie. Elle s’y est peu à peu répandue, jusqu’à y laisser partout son empreinte. Désormais, il existe peu de milieux dits « naturels » qui ne soient plus ou moins anthropisés. L’espèce humaine, cependant, se divise en groupes, communautés, collectifs, collectivités, sociétés. Chaque société est caractérisée par une langue, des normes, des valeurs, des fins, des conventions, des croyances, des institutions particulières. À travers celles-ci, chacune entretient un rapport particulier avec le socle terrestre et le vivant, avec les autres animaux et les éléments : la terre, l’eau, l’air, le bois, le feu. Si tout humain laisse des traces de son passage par ses actes, par son mode de vie, celles de certains humains sont plus profondes et tenaces que les autres. C’est spécialement le cas des Homo industrialis, aujourd’hui présents en de multiples endroits du globe et cherchant, partout où ils se trouvent, à maîtriser tout ce qui a trait à la nature. Ce qu’ils font ensemble – leurs productions, leurs aménagements, leurs usages, leurs consommations – se traduit par une artificialisation croissante de la Terre.

Des forêts rasées pour faire place à des monocultures, à du bétail et du béton. Des mines et des puits creusés dans le sol en profondeur pour en extraire du minerai et du combustible. Des gaz rejetés en masse dans l’atmosphère. Des matières plastiques et des fluides chimiques intimement mêlés à l’eau et à l’air puis aux organismes vivants. C’est ainsi, parmi d’autres processus encore, que progresse l’artificialisation, par altération, contamination et appauvrissement. Il s’agit d’un effet à la fois visé et imprévu du mode de vie industriel. Là où ce mode de vie s’est imposé et partout où l’on peut en repérer la trace, tout ce qui ne porte pas déjà le sceau de l’Homo industrialis est en sursis. Confronté à une chose « naturelle » (qu’il n’a pas fabriquée), ce dernier affirme : « Toi, tu pourrais ne plus être telle que tu es, si cela m’était utile. » C’est-à-dire, en fonction de ta malléabilité, je peux te remodeler, te manipuler, te redécouper, te dresser, te souiller, te détruire. Je peux cela avec plus de puissance que quiconque. Et je le peux même sans le vouloir et sans en avoir conscience, parce que mon action a des effets indésirables que je ne suis pas capable d’anticiper ou de concevoir.

Cette humanité-là, qui se représente le monde comme objet de maîtrise, refuse tout frein à sa volonté. Rien de ce sur quoi cette volonté peut s’appliquer, voire rien aujourd’hui de ce qui vit, n’est donc à l’abri d’une altération éventuellement fatale.

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Chaque société humaine a sa manière propre d’imaginer et d’habiter le monde, mais les conditions de l’existence de chaque être humain sont immuables : vivre sur Terre et être inféodé à cette planète ; avoir été engendré par l’union d’un homme et d’une femme ; avoir un corps biologique, animé par une psyché et sujet à la maladie, à la vieillesse et à la mort ; naître et vivre parmi d’autres humains déjà socialisés, agents de l’humanisation du nouveau-né ; coexister et interagir avec les autres êtres vivants, végétaux et animaux.

L’être humain, bipède sans ailes ni nageoires, est fondamentalement terrien. Il vit sur Terre, de la terre. Elle se mêle en lui, par la nourriture qu’il ingère, l’eau qu’il boit, l’air qu’il respire, et, à la fin, corps en décomposition ou cendres et fumée, il y retourne et s’y mêle. Il ne saurait donc s’en passer, ce qui n’est pas réciproque. La Terre est sa mère, son biotope, son horizon. Fragment terrestre, l’humain a besoin de l’humus, mais aussi des autres êtres vivants du globe, avec lesquels il a coévolué au cours du temps et qui peuplent son imagination (ses rêves, ses contes, ses légendes, ses mythes, ses œuvres artistiques). La Terre n’est pas un caillou dans la chaussure de l’humain, elle est sa maison, corporellement, donc physiquement et spirituellement.

Un être parlant, pensant, imaginant à un degré qu’aucun autre animal ne peut atteindre. Voilà sans doute, dans la capacité imaginative, créatrice, ce qui fait de l’humain ce qu’il est : partout pareil, partout différent. Ce monde qu’il crée en lui, dans ses entrailles, dans son cœur et dans sa tête, s’étaye sur ce qui se présente à lui, à ses sens. Mais il est aussi « altérant » : c’est à partir de ce qu’il imagine que l’humain affecte ce qui était là au départ et qu’il ne peut pas, au moins partiellement, ne pas affecter. Il crée ou essaie de créer à partir de ce qui est déjà là ce qu’il souhaite y voir. Le résultat peut être une hutte ou un gratte-ciel, un totem ou une église, un canoë ou un barrage hydroélectrique, quelques plants de manioc ou des hectares de soja transgénique, une flèche ou un missile balistique intercontinental. Cela dépend de toutes ces inventions tenant ensemble la collectivité : langage, normes, règles, valeurs, fins, croyances, mythes, etc. Les relations complexes, non simplement fonctionnelles et causales, entre ce qui est imaginé et ce qui est fait, sont propres à chaque individu, chaque société, chaque époque, et il est malaisé de les élucider. On peut dire de l’imagination qu’elle est individuelle (d’un individu à l’autre, le flux représentatif n’est jamais identique et la capacité imaginative diffère), sociale (ce qu’un individu imagine dépend en très grande partie de ce que la société lui a inculqué) et historique (les représentations se transforment au cours du temps). Théoriquement, l’imagination n’a pas de bornes. Les seules bornes existantes sont celles que la nature impose à la réalisation de ce qui est imaginé et celles qui sont particulières à chaque humain (donc à chaque société et à chaque époque), les interdits qu’il s’impose, les sentiments et les représentations qu’il refoule ou inhibe.

La vie d’un humain est brève, sa fin certaine et inévitable. Survivre nécessite des efforts pénibles, enfanter, être malade et vieillir sont sources de désagréments et de douleurs. Quand l’être humain a-t-il pour la première fois émis des plaintes quant aux difficultés et aux souffrances inhérentes à la condition humaine ? La seule certitude est que le projet de la remodeler dans son intégralité n’est apparu qu’avec l’avènement de la société industrielle. C’est avec l’imagination d’un nouveau dessein, celui de maîtriser rationnellement la nature, et son application de plus en plus méthodique, que l’Homo industrialis a commencé à croire sérieusement à la possibilité de faire de la condition humaine une option, de substituer à la nécessité naturelle engendrée par le hasard une nécessité artificielle engendrée par la technoscience. Éliminer la maladie. Ralentir le vieillissement. Repousser la mort. S’affranchir du labeur. Reproduire artificiellement l’humain (et, plus largement, la vie). Transformer la Terre. La quitter.

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Il y a quelques siècles, à l’ouest du continent européen, prend forme, lentement, dans des sociétés chrétiennes profondément inégalitaires, l’Homo industrialis. Que veut-il ? Il veut se rendre « comme maître et possesseur de la nature ». Mais encore ? Il veut conquérir le monde, par la force, la ruse, le savoir, l’argent, le feu. Il veut imposer ses institutions et ses significations aux autres humains, qu’il juge inférieurs. Il veut inonder le monde de ses marchandises. Il veut de tout faire une marchandise ; ou de tout faire une ressource, une matière première pour la production indéfinie et toujours plus accélérée de marchandises, afin d’élever le tas d’argent que la vente de celles-ci génère et que les dominants s’accaparent. Il veut s’emparer de tout ce dont il peut faire une matière première, par la force, la ruse, le savoir, l’argent, le feu. Il veut faire feu de tout bois. Il veut tout chambouler, tout enflammer. Il veut embrasser l’embrasement du monde jusqu’au constat des cendres, puis, son méfait accompli, s’évader dans l’immensité intersidérale.

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Animé d’une telle ambition, il est évident qu’Homo industrialis ne laisse rien ni personne indemnes. Il emporte tout sur son passage, y compris ceux qui lui résistent. Les obstacles sur sa route, il les a jusqu’à présent surmontés ou brisés, il s’en est nourri, cela l’a renforcé.

Armé de sa technoscience et de ses machines toujours plus puissantes, mû par la foi progressiste, il a transformé le rapport au temps, à l’espace, au travail, en vue, à terme, de les abolir. Vœu pieux, certes. Toutefois, on parle aujourd’hui d’usines sans humains, où seuls des robots « travaillent ». Ce n’est pas tout à fait au point, les machines ont encore besoin de l’assistance humaine, mais c’est ce qui est convoité : éliminer l’aléa propre à la personne humaine. Après tout, ce ne serait là que le prolongement logique d’une réification bien avancée, amorcée il y a plus d’un siècle avec la rationalisation du procès de travail (parcellisation, chronométrage, etc.). Par ailleurs, tous ces véhicules à moteur, roulant, flottant, volant, tous ces outils de communication, le télégraphe, le téléphone puis l’Internet, qu’il a inventés et dont il s’est rapidement servi pour élever le tas monétaire, découlent d’un même souhait : contracter l’espace en augmentant la vitesse de transport (des gens, des marchandises, des mots, des données, de la monnaie) pour « gagner du temps », car « le temps, c’est de l’argent », l’argent, c’est « le nerf de la guerre », et la guerre, l’invariant sans lequel l’ordre industriel ne pourrait perdurer.

Armé de sa technoscience et de ses machines toujours plus puissantes, mû par la foi progressiste, il a transformé le rapport à la terre, aux éléments, au monde vivant. Son adoration du mécanique va de pair avec sa haine et son insensibilité à l’égard du vivant, en particulier du vivant non domestiqué, « sauvage », qui naît et se transforme indépendamment de sa volonté. Homo industrialis est un enfant des villes. Des villes qui, après plus de cent cinquante ans d’industrialisation, sont devenues des agglomérats de béton et de métal recouvrant le sol autrefois vivant. Ce n’est pas partout massif, ça et là des plantes percent la surface, abritant la vie que l’urbain tolère. Néanmoins, l’automobile, ce totem du monde industriel, y reste reine. Quand bien même elle domine l’espace public de circulation, vicie l’air, broie le silence, blesse et tue en nombre, elle semble inamovible. Ainsi que la télévision, cet autre fétiche, qui s’est diffusée en parallèle de la bagnole et participe – tout comme les autres objets munis d’écrans qui sont venus s’y ajouter – de la même distanciation par rapport au monde alentour, de cette mise hors sol de l’humain, de sa dénaturation et de sa déshumanisation.

C’est ainsi que la formation et l’évolution des sociétés industrielles (capitalistes, marchandes, de consommation, du spectacle…) se sont accompagnées d’une érosion du vivant, hors et dans l’humain. À l’évidence, la quête illimitée de puissance et d’argent possède un fort pouvoir érosif. Les forêts primitives ont presque toutes disparu, et avec elles l’essentiel des êtres connus et inconnus qui les peuplaient. En bien des endroits l’humus n’est plus qu’un souvenir, d’innombrables milieux ont été altérés, de nombreuses espèces végétales et animales se sont éteintes. Les artefacts à dégradation extrêmement lente ou impossible (béton, métal, matières plastiques, atomes radioactifs, gaz à effet de serre industriels, substances chimiques, éléments-traces métalliques, nanoparticules) recouvrent le naturel ou s’y mêlent intimement. Toute la Terre est concernée, des abysses à l’exosphère. Aucun organisme n’est épargné. Aucun n’est immunisé.

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En 1929, dans un petit livre intitulé The World, the Flesh, and the Devil, John Desmond Bernal, physicien britannique d’obédience marxiste, se projetait dans un avenir où Homo industrialis, grâce à sa technoscience, aurait transformé son corps et la Terre afin de s’en émanciper[4]. Aujourd’hui plus que jamais, les disciples de Bernal se multiplient, trouvant dans la perspective de l’affranchissement de la condition humaine, le sens insensé des moyens technoscientifiques qu’ils s’emploient sans relâche à inventer et à perfectionner.

Le roboticien Hans Moravec, d’obédience néolibérale, affirme que, dans un monde amené à se réduire à un « cyberespace » (l’espace interconnectant ordinateurs et cerveaux), les sens humains – et donc le corps – deviendront obsolètes. Dans la même veine, parmi d’autres, Marvin Minsky, scientifique du MIT, et Ray Kurzweil, ingénieur et professeur dans la même institution, espèrent en un futur proche où l’humain et ses technologies s’hybrideront, l’« esprit » se débarrassant peu à peu du corps, ce simple sac à viande source de toute perturbation et de toute confusion, pour subsister éternellement dans ce fameux cyberespace, au sein duquel il aura été « téléchargé » comme n’importe quel logiciel informatique. Avant ce stade ultime de désincarnation où la « vie » pourra être indéfiniment prolongée – et donc la mort, ce « scandale », indéfiniment repoussée –, le corps, grâce aux nanorobots qui y seront introduits et aux manipulations génétiques dont il fera l’objet, résistera mieux aux maladies et au vieillissement, il sera plus « performant » et tendra alors vers la « perfection », au fur et à mesure de son identification à la machine : à l’abstraction réalisée.

Kurzweil, qui travaille aussi pour Google, a fondé, en collaboration avec cette entreprise et la NASA, une Singularity University. La « Singularité » est l’avènement supposé, dans les décennies à venir, d’une « superintelligence » artificielle, fruit de l’intelligence humaine mais la surpassant ; alors le progrès technique ne sera plus le produit de l’humain, devenu complètement obsolète, mais de cette superintelligence, qui l’orientera ; alors, l’humain devra se soumettre à sa créature. L’ingénieur et entrepreneur Peter Diamandis a cofondé et préside actuellement cette université de la Singularité. Il a participé à la création de plusieurs entreprises dans le domaine spatial, dont Planetary Resources, consacrée à l’extraction minière sur des astéroïdes, ces « montagnes de ressources volantes » (dixit K. Eric Drexler). Comme l’ingénieur Elon Musk, patron de l’entreprise Tesla (qui produit, de façon quasi automatisée, des voitures électriques), de la société SpaceX (qui produit des lanceurs de navette spatiale) et de la start-up Neuralink (qui vise à produire des composants électroniques pouvant être intégrés dans le cerveau humain), il pense que l’avenir de l’humain n’est pas sur Terre. Comme Musk, peut-être rêve-t-il de coloniser Mars, pour y poursuivre ce projet imaginé et commencé bien avant leur naissance et dont ils se font les nouveaux apôtres. Mais avant de partir avec leurs petits et gros jouets par milliers pour d’autres cieux, leur reste la tâche d’artificialiser plus encore la Terre et le corps humain avec l’illusion d’en atteindre la maîtrise parfaite. Ce sont là deux choses qui vont de pair, comme le remodelage de l’humain en vue de son adaptation aux dégradations de la Terre va de pair avec le remodelage de l’humain nécessaire à son accommodation aux conditions de vie extraterrestres.

Le chimiste Paul Crutzen a contribué à populariser le concept d’« Anthropocène », cette nouvelle ère géologique que l’être humain commun (Homo sapiens) marquerait de son sceau. Il est aussi, ce qui est en cohérence avec cette appréciation, un partisan de la géo-ingénierie. Il y voit une solution au problème du dérèglement climatique que le mode de vie industriel a créé et s’entête à entretenir. La « géo-ingénierie » projette la manipulation de la planète entière. Elle part du principe que le système climatique est maîtrisable et qu’Homo industrialis, équipé de sa technoscience, peut le modifier à son gré. Ce projet a des racines dans les années 1950, où, essentiellement aux États-Unis et en Russie, il s’agissait de découvrir de nouvelles armes ou, plus simplement, d’ensemencer des nuages afin qu’il pleuve là où le sol manquait d’eau. C’est une technique, plus ou moins aléatoire, utilisée aujourd’hui en Chine avec cette intention, pour lutter contre la propagation du désert. Face au problème climatique, l’ambition est plus vaste. L’idée est notamment de modifier l’albédo, c’est-à-dire la réflectivité de la Terre, donc d’altérer le flux d’énergie solaire et le flux d’énergie infrarouge rayonnée par la surface terrestre, soit en réduisant la teneur atmosphérique en dioxyde de carbone (CO2), pour qu’une plus grande quantité du rayonnement infrarouge puisse s’échapper vers l’espace (par exemple en capturant et en séquestrant le gaz dans des cavités géologiques ou en fertilisant les océans avec du sulfate de fer), soit en augmentant l’albédo afin d’abaisser la quantité d’énergie solaire absorbée par la Terre (notamment en diffusant des aérosols ou des poussières dans la stratosphère). Crutzen a une préférence pour la seconde option. Diamandis, qui a davantage l’esprit d’entreprise, espère plutôt en la première : capturer le CO2 pour le séquestrer, non pas dans des planctons ou dans le sous-sol, mais dans de nouvelles marchandises. Il existe d’autres propositions tout aussi imaginatives, comme celle de l’astronome Roger Angel d’installer dans l’espace un bouclier de miroirs afin de réfléchir le rayonnement solaire avant qu’il n’atteigne la Terre.

J. Craig Venter, lui, pense que la solution à ce problème (et à bien d’autres) réside dans la fabrication d’organismes artificiels, en l’occurrence des algues dont l’ADN aura été modifié en vue d’en faire d’inaltérables éponges à CO2. Venter, biochimiste de formation, homme d’affaires et grand amateur de vitesse roulant en Tesla, a fondé l’entreprise Synthetic Genomics, qui travaille à la production en masse de ces plantes artificielles, et le J. Craig Venter Institute, un centre de recherches en biologie de synthèse, cette technoscience « prometteuse » (comme toute technoscience) à l’intersection du génie génétique, des nanotechnologies et de l’informatique. L’ambition explicite est de forcer la nature à faire ce qu’elle ne fait pas et de fabriquer des « êtres » n’ayant jamais existé. C’est une sorte de jeu de Lego, mais avec le vivant plutôt que de vulgaires morceaux de plastique en guise de briques. Récemment, Venter s’est associé avec Diamandis et le chirurgien-entrepreneur Robert J. Hariri pour créer l’entreprise Human Longevity, dont l’objet est, comme son nom l’indique, d’allonger la durée de vie humaine en bonne santé. Pour ce faire, elle s’intéresse notamment aux génomes des cancers et des patients atteints de cancer. D’ores et déjà, elle propose, moyennant finance, de séquencer votre génome complet, afin de mieux évaluer les « risques » encourus et contenus en puissance dans votre corps, puis, avec votre médecin ou votre conseiller en génétique, les possibilités de prévenir ou de guérir les maladies que vous seriez, de naissance, prédisposé à contracter. Le postulat central est que tout résiderait dans les gènes, que tout être humain se réduirait à une somme de gènes, lesquels seraient de simples « programmes » aisément reprogrammables.

Venter est l’un des scientifiques qui ont entrepris de séquencer l’ADN du génome humain dans les années 1990. Son équipe y est parvenue grâce aux appareils de séquençage automatique créés par le biotechnologue et entrepreneur américain Leroy Hood. À l’instar de Venter, ce dernier propose aujourd’hui, avec sa société Arivale, d’« optimiser » votre bien-être grâce à l’analyse scientifique de votre génome, de votre microbiome intestinal, de votre salive, de votre sang et de votre « style de vie ». Un tel examen « en profondeur » lui permettra de vous dévoiler qui vous êtes réellement, et vous saurez alors, suivant les conseils d’un coach, ce qu’il vous faudra faire, comment il vous faudra vivre, pour atteindre un « bien-être scientifique ».

Il existe sans doute d’autres sociétés de ce genre. L’idée qui les sous-tend toutes, et qui sous-tend en fait toute l’entreprise généticienne, est que le corps humain est imparfait selon les normes mécaniques. Il est truffé de « bogues » qu’il conviendrait de « corriger ». Kurzweil, Diamandis, Venter, Hood et d’autres (citons par exemple Gregory Stock, George M. Church, Lee Silver ou, en France, Bernard Debré et André Choulika) n’imaginent pas seulement de pouvoir un jour soigner les gens avant qu’ils ne soient malades, grâce aux thérapies géniques. Leur ambition est aussi et surtout d’« améliorer » le corps humain (les performances physiques, l’« intelligence », la mémoire, etc.) et, plus largement, l’espèce humaine, par le génie génétique. Il s’agit de faire « mieux » que la nature (ou Dieu ?) et de prendre ainsi le contrôle de l’évolution humaine. Ce dessein perfectionniste correspond, à vrai dire, au vieux programme eugénique, inhérent à l’hybridation entre le darwinisme et la religion du progrès et qui, pour être mené à bien, n’envisage d’exclure ni le clonage ni l’ectogenèse[5].

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Ces quelques personnages largement médiatisés et médiatiques sont certainement des illuminés, mais ils ne prêchent pas dans le désert. Leurs propos sont relayés et audibles dans les sociétés où ils sont exprimés, parce qu’ils font sens. Ils ne remettent pas en question la technoscience et son soubassement mécaniste, réductionniste, rationaliste et utilitariste, ils les portent à leur paroxysme. Ils n’interrogent pas la promesse progressiste du meilleur des mondes, ils perpétuent au contraire l’espérance d’une amélioration indéfinie de la condition humaine, jusqu’à programmer son abolition. Ils ne contestent pas l’ordre établi, mais brassent des capitaux énormes, réalisant à un degré inégalé la fusion entre les intérêts industriels, les intérêts étatiques et la propagande publicitaire.

Ils – surtout des hommes – sont les hérauts d’une technoscience qui, dès ses origines et sa volonté fondatrice de rationaliser l’ancienne magie naturelle (Descartes, Bacon, Boyle, Galilée, Condorcet, etc.), s’est donné pour objet de modifier la condition humaine et, pour ce faire, de s’en attribuer la maîtrise absolue ; et qui, dès le départ, s’est inscrite dans des rapports de domination qu’elle a contribué à renforcer, au profit de puissants de plus en plus familiarisés avec sa méthode rationnelle. À l’idée du monde naturel qu’il pourrait maîtriser, Homo industrialis a toujours associé celle des communautés humaines elles-mêmes comme objet de domination, comme masse homogène et inerte entièrement manipulable. Si bien que la rationalité technique, en tant que rationalité de la domination, a fini par être appliquée à tout : au « corps » de la nature, au corps humain, au « corps social ».

Si tout est « machine », si plus rien n’est constitué selon les catégories propres à la subjectivité vivante, mais tout selon les abstractions de la science mathématisée, alors la compréhension des choses les plus complexes consiste à les décomposer en éléments simples, puis à les reconstruire, conceptuellement et concrètement, selon leur modèle ou au gré de son imagination et de sa volonté de puissance[6]. C’est la nature entière, inorganique et organique, qui est une « machine » soumise à ce processus de décomposition-reconstruction au sein de l’automate industriel ; c’est le corps du travailleur qui est une « machine » désagrégée en organes et en qualités, afin d’être recomposée scientifiquement en une « force de travail » docile et efficace ; c’est le corps du consommateur qui est une « machine » dont les rouages sont les pulsions, savamment réassemblées en cette « force pulsionnelle » l’attirant comme une mouche dans la glu du consumérisme industriel ; c’est le « corps productif » qui est une « machine » scindée en travailleurs parcellisés et reconstituée en un « travailleur global » par le management scientifique ; c’est le corps de tout un chacun qui est une « machine » composée de neurones, de gènes, d’atomes, de bits dont la recombinaison par les mécaniciens doit conduire à son « augmentation » illimitée ; c’est le « corps social », enfin, qui est une « machine » atomisée en individus isolés les uns des autres, restructurée par le Léviathan « intelligent » et livrée aux automatismes abstraits de la bureaucratie et du marché prétendument autorégulateur.

En détrônant l’humain et en intronisant la technoscience, ces processus convergent pour faire des habitants des territoires industrialisés les rouages impuissants de la puissance de masse qu’ils produisent et qui leur devient étrangère, les domine et finalement les voue à la dissolution complète.

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L’industrialisme – et son pendant, le consumérisme – est un artificialisme. Plus son emprise s’amplifie, plus le vivant s’étiole. C’est une tendance lourde consécutive à la volonté de l’Homo industrialis de tout maîtriser, selon une conception mécaniste et expérimentale de la nature réduisant tout ce qui s’y trouve, y compris l’être humain, à une matière première ou à une pâte à modeler. C’est une voie mortifère, qui précipite le cours des choses. La mort avant l’heure.

Tout humain s’éteindra. Aucune société humaine n’est éternelle. L’humanité rejoindra le néant. La Terre, nous dit-on, finira par être absorbée par le Soleil. Tels des nuages, individuellement et collectivement, les humains ne sont donc que de passage. C’est un fait, aussi évident qu’insondable. D’où venons-nous ? Que faisons-nous sur Terre ? Comment devons-nous vivre ? Qu’y a-t-il après la mort ? Mythes et religions sont les réponses imaginaires des sociétés à ces questions indécidables qu’aucune ne peut éviter de se poser. Qu’en disent les Homo industrialis ? « Nous sommes là pour transcender ce qui nous a faits et à quoi nous appartenions au début : la Terre, la dérive naturelle des êtres vivants. Nous sommes là pour le dominer totalement et nous en extraire. Pour le plier à nos caprices, en faire tout ce que nous imaginons pouvoir en faire. »

La mort avant l’heure, par la guerre nucléaire ou la survenue de « bio-erreurs » massivement contagieuses. La mort avant l’heure, par l’empoisonnement des milieux de vie, l’eau, l’air, la terre. La mort avant l’heure, par le dérèglement irréversible du climat. La mort avant l’heure, par la destruction des sols et la dégradation des espèces.

Rien de tout cela ne trouble Kurzweil et compagnie, technoprophètes « transhumanistes » ou simples progressistes, dont l’optimisme béat n’a d’égal que la rigidité du conformisme sociopolitique. La technoscience saura y remédier. La technoscience a toujours réponse à tout. Elle a fait ; elle saura défaire. Elle a altéré ou détruit ; elle saura rétablir ou recréer, et même créer de nouvelles choses mieux que la nature n’a jamais su le faire. Laissez faire ceux qui savent, répètent-ils à l’envi. Laissez-nous faire.

Cela fait pourtant longtemps que ceux qui disent savoir se sont donné le pouvoir de faire à leur guise. Alors qu’ils ne savent pas, qu’ils n’ont que l’illusion de savoir, qu’ils font sans savoir réellement ce qu’ils font, réaffirmant savoir ce qu’ils font avec d’autant plus d’insistance que l’expérience sans cesse démontre leur irréductible incapacité à savoir ce qu’ils font.

Cela fait pourtant longtemps que l’Occident chrétien, après s’être défié de la libido sciendi, s’est mis en marche tel un somnambule conduit par le chant de ceux disant savoir sans savoir ce qu’ils faisaient. Accordant les meilleures conditions aux virtuoses de la technoscience. Aménageant le libre déploiement de leur libido : l’immunisant contre toute réflexion critique, toute autolimitation collectivement définie. Cherchant le salut dans les effets providentiels des progrès de leur magie. Déniant comme eux et avec toujours plus d’entêtement tout principe de réalité. De cette réalité qui, telle qu’elle se donne à être et à vivre de manière commune, a dans leur esprit toujours eu le tort d’être simplement ce qu’elle était : insupportable de n’être pas ce que pour eux elle devait être, parfaite uniquement dans son ajustement à leur aveugle modernisme.

***

Qui cherche à façonner le monde,

je vois, n’y réussira pas.

Le monde, vase spirituel, ne peut être façonné.

Qui le façonne le détruira.

Qui le tient le perdra.

– Lao Tseu[7]

Depuis quelques temps, l’impression prédomine que la société capitaliste est entraînée dans une dérive suicidaire que personne ne veut consciemment mais à laquelle tout un chacun contribue […], […] une série de catastrophes à tous les niveaux et à l’échelle planétaire, qui semble menacer la survie même de l’humanité…

– Anselm Jappe[8]

Nous avons tenté de vivre au-delà de la terre. Il nous faut maintenant apprendre à vivre dessus.

– Kenneth White[9]

Ô vous qui cherchez le Bien suprême dans les profondeurs du savoir, dans le tumulte des affaires, dans les ténèbres du passé, les labyrinthes de l’avenir, au fond des tombeaux et par-delà les étoiles, savez-vous son nom ? Le nom de ce qui est Un et Tout ?

Son nom est Beauté.

– Friedrich Hölderlin[10]

La pression de mon pied sur la terre déclenche mille émotions,

Elles narguent tous mes efforts pour en faire le récit.

– Walt Whitman[11]

Le respect de l’homme par l’homme ne peut pas trouver son fondement dans certaines dignités particulières que l’humanité s’attribuerait en propre, car, alors, une fraction de l’humanité pourra toujours décider qu’elle incarne ces dignités de manière plus éminente que d’autres. Il faudrait plutôt poser au départ une sorte d’humilité principielle ; l’homme, commençant par respecter toutes les formes de vie en dehors de la sienne, se mettrait à l’abri du risque de ne pas respecter toutes les formes de vie au sein de l’humanité même.

– Claude Lévi-Strauss[12]

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Aucun humain ne peut avoir goût à la vie sans s’imaginer être un petit quelque chose qui a sa place en ce monde, plutôt qu’un moins que rien, un artefact insignifiant. L’orgueil naît avec sa prétention d’être plus grand qu’il ne l’est réellement, plus grand que ses congénères. Cette ambition devient démesurée lorsqu’il se voit plus grand que tout ce qui lui est extérieur ; lorsqu’il se met à croire que tout ce qu’il imagine pourrait et devrait être réalisé. Tel est l’Homo industrialis : un être présomptueux, avide et calculateur qui entend s’approprier le monde entier et le façonner selon son idéal, la machine. Car il aime peu ce qui est désordonné et incontrôlable, imprévisible et incertain, autrement dit ce que le hasard a fait naître et qui vit. Il lui faut donc « ramener la vie à une combinaison de phénomènes mécaniques[13] », réduire tout être vivant à une chose, un objet, un artefact insignifiant. De là sa fascination pour la mort, « le seul fait certain dans l’existence[14]. »

Les bio-ingénieurs, au-delà de leur quête d’une perfection adamique, s’imaginent pouvoir un jour recréer la vie ex nihilo ; mais comment le pourraient-ils, étant incapables, y compris dans leurs démarches intellectuelles, de l’appréhender et de la définir autrement qu’en la niant ? Les cyber-ingénieurs appellent « immortalité » ce qui n’existerait plus que sous forme d’informations circulant dans un réseau de machines algorithmiques, donc ce qui serait, à proprement parler, mort (privé de toute sensation de vivre). Les ingénieurs en robotique, s’inspirant peut-être de Victor Frankenstein, ambitionnent de rendre vivant ce qui, n’étant composé que de matière inorganique, ne pourra jamais l’être. Les géo-ingénieurs entendent prendre le contrôle du système climatique, alors que, comme tout humain, ils sont incapables de maîtriser leur organisme et le cours de leur vie. Les ingénieurs en aérospatial se préoccupent des moyens de quitter le seul endroit de l’univers où l’on est sûr que les conditions sont propices à la vie (du moins, pour le moment…). Tous autant qu’ils sont, ces idolâtres de la machine ne parviendront qu’à produire chimères et calamités. Car chercher à maîtriser le vivant, c’est le combattre, c’est chercher à le vaincre et, dans le secret des cœurs, inconnu des cœurs mêmes, à le détruire.

Les sociétés industrielles, dont la forme doit beaucoup à la longue et étroite collaboration entre souverains, marchands et mécaniciens, ont déjà amplement marqué le monde de leur empreinte. Le saccage de la nature et son remplacement par une antinature sont bien avancés ; l’effacement des cultures, des langues, des savoirs et savoir-faire des communautés qui se présentaient sur leur route également. L’inextinguible promesse progressiste est une incitation à poursuivre dans la même voie, avec pour horizon l’artificialisation – donc l’annihilation – de l’humanité elle-même. C’est cela que visent explicitement les tenants de la mouvance « post » ou « transhumaniste », comme tendent à le montrer les articles de ce dossier. Il ne suffit pas aux sociétés « cosmophages » et « humanistes » – cherchant à se disjoindre de la nature – de continuer leur conquête ravageuse de la Terre considérée comme une exoplanète (Frédéric Neyrat) ; par exacerbation d’un scientisme dont les racines plongent dans le christianisme et la philosophie grecque, donc contre le sens commun et le monde de la vie (Michel Barrillon), il s’agit d’en finir avec l’élément humain (Christian Godin), d’en finir avec le corps (David Le Breton), d’en finir avec la mort (Jacques Luzi).

Ces idées s’apparentent au délire d’un fou cherchant, par un étrange saut périlleux, à sortir de lui-même. Comment un être humain peut-il croire pouvoir se passer de la nature et de la Terre ? Comment peut-il croire pouvoir se désincarner et tuer la mort ?

Le corps n’est pas un fardeau. C’est par notre corps entier, de la tête aux pieds, que nous sommes au monde, « en tant que nous percevons le monde [et les autres] avec notre corps[15] ». Sans corps, comment savoir si l’on est en vie ? Comment goûter la vie ? Comment s’enraciner dans le réel ? Sans corps, comment apprendre, sachant que, quoi que nous apprenions – tout doit s’apprendre –, nous l’apprenons toujours « par corps » ? Il ne peut exister d’esprit – et donc de pensée – détaché d’un corps. La fin du corps impliquerait la fin de l’être-ensemble – et ainsi de l’histoire –, car tout ce qui cimente imaginairement une collectivité humaine s’incorpore.

Un être humain, n’ayant rien d’autre à percevoir que ce qu’il a fabriqué, ne peut que dépérir. Car qui pourrait – et qui voudrait réellement – vivre continuellement comme un astronaute mâle dans le monde hermétique d’un vaisseau spatial ? L’humain n’est humain, ne peut se comprendre comme humain et prendre conscience de lui-même en tant qu’humain, que dans l’appartenance à et la confrontation avec un monde sensible dont il n’est pas l’auteur et qui reste pour lui un mystère[16] ; c’est-à-dire la nature, envers laquelle il devrait alors se montrer humble. Les humains sauraient difficilement vivre sans humus ; sans humilité, l’humus, fruit d’une nature sauvage, disparaîtra. « Nous sommes des éléments cosmiques[17] », dit Jean Giono. Nous sommes de/dans la nature. Aussi avons-nous intimement besoin d’elle. Ce besoin, les humains en chair et en os le ressentent d’autant plus qu’ils vivent dans les contrées industrialisées ; il est au fondement de l’industrie touristique, qui participe pourtant de l’extension de l’artificiel.

À contre-courant de cette marchandisation de ce qu’il reste de sensibilité, d’autres relations entre humains et avec la nature sont possibles. Elles sont même nécessaires. Le nier, c’est consentir, si ce n’est adhérer, au nihilisme de l’Homo industrialis et à l’anéantissement total qu’il parachève à vive allure.

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Footnote [1] — Encyclopédie des Nuisances, Remarques sur l’agriculture génétiquement modifiée et la dégradation des espèces, Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, Paris, 1999, p. 41.

Footnote [2] — F. M. Esfandiary, Optimism One. The Emerging Radicalism, W. W. Norton, New York, 1970, notre traduction.

Footnote [3] — Cité dans C. Zimmer, « Carl Venter Turns from DNA to Saving the Environment », Yale Environment 360, 6 janvier 2009, notre traduction.

Footnote [4] — Cf. l’extrait publié dans ce dossier, précédé du texte de Michel Barrillon.

Footnote [5] — Toutes ces informations se trouvent aisément et de façon évidemment bien plus détaillée dans le cyberespace. C’est là surtout que nous avons découvert l’existence de ces individus et de leurs projets. Citons toutefois les sources suivantes, qui ont contribué à aiguiller nos fouilles : Encyclopédie des Nuisances, op. cit. ; D. Noble, The Religion of Technology. The Divinity of Man and the Spirit of Invention, Penguin Books, Londres, 1999 ; D. Le Breton, L’adieu au corps, Métailié, Paris, 1999 ; J.-M. Mandosio, Après l’effondrement. Notes sur l’utopie néotechnologique, Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, Paris, 2000 ; A. Gorz, L’immatériel. Connaissance, valeur et capital, Galilée, Paris, 2003 ; P. Thuillier, La Grande Implosion. Rapport sur l’effondrement de l’Occident, 1999-2002, Fayard, Paris, 1995 ; P.-A. Taguieff, Du progrès. Biographie d’une utopie moderne, Librio, Paris, 2001 ; et les écrits de Pièces et main-d’œuvre, <www.piecesetmaindoeuvre.com>.

Footnote [6] — Cf. M. Tibon-Cornillot, Les corps transfigurés. Mécanisation du vivant et imaginaire de la biologie, Seuil, Paris, 1992, p. 31 et suiv.

Footnote [7] — L. Tseu, Tao-tö king, Gallimard, Paris, 2007 [1967], p. 46.

Footnote [8] — A. Jappe, La société autophage. Capitalisme, démesure et autodestruction, La Découverte, Paris, 2017, p. 9.

Footnote [9] — K. White, En toute candeur, Mercure de France, Paris, 1964, p. 30, en italique dans l’original.

Footnote [10] — F. Hölderlin, Hypérion ou l’ermite de Grèce, UGE, Paris, 1968, p. 63-64.

Footnote [11] — W. Whitman, Feuilles d’herbe (1855), José Corti, Paris, 2008, p. 73.

Footnote [12] — C. Lévi-Strauss, « On m’a souvent reproché d’être antihumaniste », Le Monde, 21-22 janvier 1979.

Footnote [13] — E. Fromm, Le cœur de l’homme. Sa propension au bien et au mal, Payot & Rivages, Paris, 2002 [1979], p. 51.

Footnote [14] — Ibid., p. 53.

Footnote [15] — M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Gallimard, Paris, 1987 [1945], p. 239.

Footnote [16] — Encyclopédie des Nuisances, op. cit. ; P. Shepard, Thinking Animals. Animals and the Development of Human Intelligence, The Georgia University Press, Athens, 1998 [1978].

Footnote [17] — J. Giono, Les vraies richesses, Grasset, Paris, 2016 [1937], p. 17.

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